Un « bloggeur » s’est adressé récemment à notre hôte en expliquant qu’une vidéo qui circule sur la « toile » l’avait plongé dans un abîme de perplexité. En effet, le mécanisme de la création monétaire, puisque c’est de ce sujet qu’il s’agit, peut sembler parfois abscons. Je vais donc le présenter en quelques lignes. Il y a surtout que des conclusions sont parfois tirées hâtivement. Ainsi, l’une d’entre elle prétend qu’il serait dangereux que l’Etat réduise son endettement car cela impacterait la quantité de monnaie en circulation. Il est intéressant de voir comment aujourd’hui se banalise l’idée que « la dette, c’est pas si mal », à tel point qu’on en viendrait à se demander pourquoi les prélèvements obligatoires sont aussi élevées en France. Rappelons pourtant que celui qui s’endette aliène sa liberté. Et soyons clair : la réduction de la dette de l’Etat n’aurait que des conséquences limitées sur la masse monétaire.

A l’origine, était le troc. Les différentes communautés humaines échangeaient leurs surplus contre d’autres marchandises indispensables. Les limites de ce système furent rapidement atteintes avec la complexification des échanges et de la production. Imagine-t-on le troc aujourd’hui ? Si je cherche à remplacer la portière de mon véhicule, il faut que je trouve une contrepartie qui est prête à céder la pièce et qui recherche exactement ce que je suis prêt à donner. C’est quasiment « mission impossible ». Rapidement, il fallut donc trouver une marchandise intermédiaire à tous les échanges : la monnaie, qui devait présenter plusieurs qualités : rare, inaltérable, divisible et pérenne. Les métaux présentent ces facultés, et tout particulièrement l’or et l’argent. Mais voilà ! Il faut pouvoir stocker ces métaux. D’où l’idée de les confier à un spécialiste : orfèvre, agent de change ou banquier. La remise d’une quantité d’or se fait contre un reçu qui devient rapidement un billet de banque. Détenir un tel billet donne l’assurance de pouvoir le convertir à tout instant en métal précieux. Et le XIXeme siècle sera ponctuée de faillites bancaires en raison de paniques, les clients lorsqu’ils perdaient confiance se précipitant pour transformer leur papier en or … qui n’était pas toujours en stock. Mais progressivement, la monnaie papier va s’imposer à tel point que la convertibilité cessera. L’étape suivante va être une dématérialisation totale de la monnaie, qui se ramène à une écriture dans les livres comptables de la banque. C’est la monnaie dite « scripturale ».

Cette monnaie scripturale, qui représente plus de 90% de la masse monétaire, est créée par les banques et ce de façon extrêmement simple. Imaginons que Monsieur Blog veuille profiter des dispositions gouvernementales pour acheter un véhicule neuf. Il va demander un prêt de 15 000 € à sa banque, la banque A. L’opération est simple : la banque A note que M.Blog lui doit 15 000 € et elle crédite (elle lui verse) 15 000 € sur son compte. M. Blog se retrouve ainsi avec plus d’argent, sans que du pouvoir d’achat ait été retiré à quiconque : il y a donc bien eu création monétaire, à l’occasion du prêt : c’est pour cela que l’on parle « d’argent – dette ». Ceci dit, la monnaie scripturale a-t-elle vraiment changé de nature ? L’or ou l’argent monétaires n’ont pas d’intérêt intrinsèque, ils n’ont d’autre valeur que la promesse de pouvoir acheter des biens et services. Ils constituent donc eux même une créance sur la collectivité.

La masse monétaire peut elle gonfler indéfiniment ? Oui et non. Oui, si les banques accordent des prêts à tout va … Et non, car la monnaie en elle-même n’est rien d’autre qu’une potentialité, celle de pouvoir acquérir des biens et des services, comme évoquée si dessus. Une masse monétaire qui croit durablement plus vite que l’activité économique conduit à de l’inflation, c’est-à-dire à la hausse continue et généralisée des prix. C’est un mécanisme de régulation qui permet l’adéquation de la quantité de monnaie aux quantités de biens et de services disponibles. En outre, c’est un moyen de rembourser ses emprunts. En effet, le montant nominal d’une dette ne changeant pas, si l’unité monétaire perd de sa valeur, alors la dette perd aussi de la valeur. Ainsi, un capital soumis à une inflation de 10 % perd les 2/3 de sa valeur réelle en 10 ans. Pour exemple, il n’est que de citer le cas des ménages qui ont acheté leur maison en 1970 en empruntant sur 25 ou 30 ans, et dont les mensualités, invariantes en nominal, sont apparues dérisoires sur la fin. C’est également par l’inflation que la Révolution Française a remboursé les dettes de l’Ancien Régime, lequel frôlait constamment la banqueroute. Bref : l’inflation est un moyen d’épargne forcée !

Est-ce qu’une éventuelle réduction de la dette de l’Etat réduirait la masse monétaire, rendant la monnaie plus rare ? Assez peu au final. Car si la monnaie est créée à l’occasion d’un emprunt, tous les emprunts ne conduisent pas à créer de la monnaie ! En effet, l’Etat ne s’adresse pas aux banques mais directement aux épargnants, sous forme de « financements de marché ». Lorsque sa dette s’accroît, cela signifie que des agents économiques ont renoncé (volontairement et provisoirement) à du pouvoir d’achat. La dette de l’Etat ne crée donc pas de monnaie. A cela 3 raisons principales : 1) ce mode de financement n’est pas inflationniste 2) il est moins onéreux que les financements bancaires, puisqu’il n’y a pas d’intermédiaires 3) l’Etat peut emprunter plus facilement à l’étranger : seulement un peu plus d’un tiers de la dette de l’Etat est financé par des agents économiques français. Au final, l’Etat est en France le premier opérateur – et de très loin – sur les marchés financiers : sur un encours de 1300 milliards empruntés sous cette forme (donc hors financements bancaires), l’Etat en représente 1000 !!!!!

J’espère avoir répondu à quelques interrogations de notre bloggeur. Je ne doute pas que le débat va faire émerger de nouvelles questions et de nouvelles remarques.

Et bonne année 2009 à tous.