« Il faut dire aux Français: si vous aviez prévu de passer un moment en famille, de consacrer un peu de votre budget aux fêtes de Noël, faites-le parce que c’est aussi un acte citoyen », a affirmé le secrétaire d’État chargé de l’industrie et de la consommation, porte-parole du gouvernement, Luc Chatel, le 23 décembre sur LCI. Ainsi, consommer pourrait constituer un « acte citoyen ». La formule du porte-parole du gouvernement relève plus de la maladresse que de la volonté de réduire le citoyen à un consommateur. En tout cas, elle pose une question qui n’est pas dénuée d’intérêt : le consommateur peut-il prendre le relais du citoyen ?

A priori, l’acte de consommation qualifié de « citoyen » est celui qui peut être assumé par son auteur au regard de tout ce qu’il suppose : la production du bien, son acheminement, voire son recyclage. L’individu est à la fois homme (dans la sphère privée et en tant qu’agent économique) et citoyen (membre d’une communauté politique, et donc électeur notamment). Évoquer un citoyen à propos de la consommation peut donner l’impression de confondre les deux domaines. En réalité, cela permet de revendiquer l’absence de schizophrénie de chacun entre ses comportements de citoyen et ses comportements de consommateur. Grosso modo, si on prétend se préoccuper de l’environnement, il convient d’être cohérent et de ne pas voyager fréquemment en avion ou de ne pas acheter de fruits provenant de l’autre bout du monde. De même, si on revendique l’amélioration de la condition des travailleurs en tant qu’électeur, en tant que consommateur, on ne peut pas acheter des vêtements qui, de notoriété publique, sont fabriqués par des travailleurs exploités. Dès lors, envisager la consommation comme un « acte citoyen » vise à rapprocher le consommateur du citoyen, et alors à revendiquer de chacun que, dans la mesure du possible, il soit conséquent, au lieu de se contenter de nobles intentions. Cet enjeu est d’autant plus important que le pouvoir du consommateur a considérablement crû tandis que celui du citoyen a indubitablement décliné. Ainsi, quiconque voudrait lutter contre le travail des enfants aurait plus de succès en se détournant des marques le tolérant plutôt qu’en votant pour un candidat prétendant imposer le respect des conventions de l’Organisation internationale du travail (OIT) aux pays réfractaires. Toutefois, s’il importe de consommer comme des citoyens plutôt que de voter comme des consommateurs, cela ne relève-t-il pas de la responsabilité de chacun ? Il revient évidemment à chacun de déterminer la part de son revenu qu’il souhaite consommer et celle qu’il souhaite épargner, de choisir quand il veut consommer et de décider ce qu’il achète. En d’autres termes, n’est-il pas infantilisant d’adresser des recommandations de consommation ? Avec un taux de prélèvements obligatoires de 44% ne serait-il pas légitime de pouvoir disposer librement du revenu restant, une fois qu’on a acquitté ses impôts, taxes et cotisations sociales ? Excellente année 2009 à vous. Thomas.