Annoncer le terme de sa vie publique constitue à la fois une contrainte et une délivrance. Une contrainte car elle conduit à vous soumettre volontairement à une obligation qui n’est en rien obligatoire. Elle peut aussi susciter prématurément des envies pour les fonctions que vous occupez. Mais elle est aussi une délivrance car elle vous ouvre un champ incommensurable de liberté. La guillotine de la prochaine élection ne vous hante plus. Le bien commun qui constitue votre idéal depuis l’origine n’est plus sans cesse interrogé par les équilibres partisans, les agendas électoraux, les confrontations permanentes d’ego.

Pour éviter le risque de la tyrannie qui menace toute gouvernance sans contrainte, sans doute faut-il continuer de se fixer un objectif, sinon un idéal qui reste le bien commun, une pratique éthique ? Fouillant dans la littérature, je me dis que se tenir en « Honnête homme » selon les critères décrits depuis le XVIIème siècle est sans doute un beau défi. Dès l’apparition de cette notion chez les grands auteurs, ce qui prédomine dans le comportement de l’ « Honnête homme »,  c’est sa capacité à se montrer sincèrement humble, courtois, un minimum cultivé, et surtout savoir s’adapter à son entourage. Se refuser tout excès. Savoir dominer ses émotions. Epouser une conscience sociale qui sache comprendre et tisser de l’harmonie entre toutes les cultures, toutes les croyances, toutes les histoires humaines. Appeler toujours au réflexe d’humanité lorsque le conflit jaillit entre les personnes.

En politique, il doit s’appliquer à élever les débats au niveau de l’essentiel, des enjeux réels, et dépouiller les sujets de controverses inutiles de leurs oripeaux convenus et tragiquement démagogiques.

« L’Honnête homme » doit savoir cependant rester une personne avec sa pensée autonome, riche de contrastes et d’équilibre. Surtout s’interdire de dire le bien dont il n’est en rien détenteur autoproclamé. Mais être vrai avec son cursus et sincère dans sa volonté de s’améliorer. Il doit rester généraliste pour respecter la recommandation de Montaigne qu’il vaut mieux « une tête bien faite que bien pleine. »

Bref, il doit s’attacher au bon goût, à la politesse des manières, devenir selon la définition antique, « un animal raisonnable ». Et savoir embellir chaque jour la vie d’un beau trait d’humour !