Voici la Tribune d’Alain Lambert publiée ce jour :

FINANCEMENT
Pour une loi de financement des collectivités territoriales – Tribune d’Alain Lambert
Auteur associé | A la Une finances | Billets finances | Publié le 24/10/2012
Ancien ministre du Budget et un des pères de la loi organique relative aux lois de finances (Lolf), Alain Lambert plaide pour une loi de financement des collectivités. Une idée aussi proposée par Claudy Lebreton, président de l’Assemblée des départements de France, à François Hollande le 22 octobre 2012.

[1]Face aux impératifs d’équilibre budgétaire et de redressement des comptes publics qui interpellent tous les acteurs de la sphère publique, nous avons le devoir de repenser le cadre des rapports financiers entre chacune des administrations publiques.
A cet égard, l’indéfinition des relations entre l’Etat et les collectivités territoriales doit enfin trouver une solution équitable et pérenne. Les responsabilités financières de chacun doivent être précisées à l’aune des principes démocratiques et des efforts demandés.

L’insertion d’une loi de financement des collectivités territoriales (LFCT) dans notre droit public servirait très efficacement un tel impératif. Les responsabilités sont aujourd’hui trop diffuses et obscures, entre un Etat qui prescrit des politiques publiques et des administrations publiques locales qui paient leur mise en œuvre.
Face à la multitude incertaine des transferts financiers – concours, prélèvements sur recettes, dotations, dégrèvements, subventions, fiscalité transférée, fiscalité locale – il est indispensable de pouvoir les retracer en totalité dans un document budgétaire unique et annuel, soumis à l’approbation du pouvoir législatif.

L’arbitrage satisfaisant des responsabilités et le dialogue financier nécessitent davantage de démocratie par le biais d’une véritable intervention du Parlement. Afin d’examiner les conditions générales de l’équilibre des collectivités territoriales, nos représentants nationaux n’ont aujourd’hui pour seul outil qu’un jaune budgétaire non soumis au vote.
Une loi de financement des collectivités territoriales permettrait au législateur d’approuver les grandes orientations de la politique décentralisée, de prévoir les recettes et de clarifier les dépenses obligatoires et discrétionnaires en fixant d’éventuels plafonds protecteurs. Ce texte permettrait également de regrouper les nouvelles dispositions relatives à la fiscalité locale et de participer à la réduction de l’insécurité juridique qui menace l’ensemble de nos collectivités.

Il est bien entendu nécessaire de réaffirmer et de consolider sans relâche les rapports de confiance entre l’Etat et les collectivités. Tout légitime qu’il soit, un pacte entre ces sous-secteurs ne peut cependant prétendre à la même solidité et à la même légitimité démocratique qu’un texte législatif examiné et adopté par nos parlementaires.
Seule une loi est à même de garantir pleinement les engagements pris par l’Etat et les objectifs déterminés pour l’avenir.

Le principe d’autonomie ne saurait être un obstacle pouvant mettre en échec la clarification de relations dangereusement incertaines entre les collectivités et les autres administrations. Considérons le principe d’autonomie à sa réalité d’aujourd’hui et à sa juste proportion démocratique : l’Etat prescrit nombre de dépenses dans les comptes des collectivités et nos engagements européens exigent une officialisation de la solidarité évidente entre les administrations publiques.
L’autonomie reconnue aux collectivités se révèle davantage menacée par ce manque de transparence et les décisions unilatérales de l’Etat qu’elle ne le serait pas une loi permettant de retracer l’ensemble des relations financières entre l’Etat et les collectivités. Bien au contraire, cette discipline permettrait de formaliser juridiquement et de donner plus de substance à cette autonomie constitutionnelle dont l’indéfinition contemporaine est rarement à l’avantage desdites collectivités.

Une telle approche serait bénéfique pour tous. Aux collectivités, elle permettrait de prévoir financièrement les prescriptions à venir de l’Etat par voie réglementaire et de voir leur autonomie en dépenses et en recettes officialisée au sein d’un cadre juridique précis, à la différence du programme de stabilité.
Aux parlementaires, elle confierait la responsabilité d’approuver les relations financières, les prévisions de recette et les objectifs de dépense. A l’Etat, elle garantirait une meilleure lisibilité de ses engagements financiers pour l’exercice à venir, et une intégration plus fine. A la protection sociale enfin, elle préciserait le cadre des politiques partagées avec lesdites collectivités.

Le principe de sincérité des comptes des administrations publiques, consacré par le juge constitutionnel et dont l’impériosité ne cesse de croître, ne saurait être satisfait sans transparence. Alors que la définition du périmètre de Maastricht et les nouvelles règles européennes engagent l’ensemble des administrations publiques dans l’effort budgétaire à venir, il devient impératif de préciser la responsabilité et les engagements de chacun.
Nous ne pourrons prétendre à une telle exigence sans soumettre régulièrement l’ensemble des relations financières publiques à la vigilance démocratique.

Alain Lambert, ancien ministre du Budget, président du conseil général de l’Orne