La lecture, ce matin, de l’article de la Gazette des communes relatif à l’adaptation des normes diverses et variées imposées aux collectivités locales m’a plongé dans un abîme de perplexité. Je comprends qu’une circulaire, un arrêté, ou un décret issu d’une tempête crânienne d’un énarque esseulé ou en mal d’occupation ne seraient pas soumis à l’exigence d’un rapport d’adéquation entre le moyen juridique (la norme) choisi et le but qui lui est assigné. Voilà que la norme décidée dans l’inconscience absolue de son coût pourrait venir détruire le principe quasi constitutionnel de soutenabilité financière exprimé à l’article 34 de la Constitution comme « objectif d’équilibre des comptes des administrations publiques ». J’ai bien lu ce que d’éminents juristes disent à ce propos.

Mais, pour ma part, je ne prendrai jamais le risque de voter des dépenses dans le budget de mon département qui auraient pour effet de sacrifier l’équilibre des finances au caprice des normes excessives. Je ne classe pas dans la catégorie des « intouchables », au sens qu’elles ne sauraient supporter la moindre limitation sans perdre leur raison d’être, des tracasseries administratives du genre de la qualité nutritionnelle ou d’autre caprices de cet acabit. Que l’on cesse de nous faire croire que les normes émanant des administrations centrales sont aussi sacrées que le droit à la vie ou de le droit de ne pas subir la torture ou un traitement inhumain ou dégradant. Ces ersatz de droit n’ont rien de fondamental et sont donc susceptibles de connaître des restrictions pour satisfaire des exigences autrement plus importantes comme la soutenabilité financière, alors que cet excès de normes a pour objet d’y porter atteinte.

Pour ma part, je persiste à recommander l’acclimatation d’un principe de proportionnalité qui n’a rien de boulversifiant puisqu’il est présent quasiment dans tous les droits sauf le droit administratif. Il existe en droit constitutionnel, en droit civil, en droit pénal, en droit financier. Sont-ce de simples bavardages moins respectables que les lubies de hauts fonctionnaires épris de règles tâtillonnes ?

Dans la situation financière dans laquelle on a acculé les départements, il sera intéressant de voir si les Préfets recevront instruction d’inscrire d’office aux budgets des conseils généraux le coût de normes inutiles, onéreuses et plongeant leurs comptes en déficit.

Puisque le législateur ne semble pas vouloir mettre un frein à cette folie, cette question des normes finira bien par se régler toute seule, notamment par la cessation de paiements des administrations publiques.