Le droit des marchés publics est confus, désordonné, embrouillé, bavard, inconstant, hypocrite, lâche, compliqué, insécure, soupçonneux, ruineux, bureaucratique. Bref il a tous les défauts. Mais il vient d’ajouter une nouvelle plume de clown à son chapeau : l’incohérence !

Fondé initialement sur le soupçon le plus absolu de corruption généralisée des élus, voire des fonctionnaires placés sous leur autorité, il martyrise les acheteurs publics avec des formalités préalables à la passation des marchés kafkaïennes, empêchant les collectivités de choisir les entreprises les MIEUX disantes. Pensez-donc, l’avantage doit être donné à celles qui savent franchir les haies les plus hautes des dossiers les plus longs, complets jusqu’à l’absurde et surtout qui n’oublient aucun tampon sur aucune page puisque c’est devenu la cause majeure d’éliminations d’offres qui auraient pu s’avérer meilleures pour la collectivité .

Après tant de rigorisme, on aurait pu espérer qu’une vigilance extrême soit conservée jusqu’au paiement après l’exécution des travaux, la livraison des fournitures ou la prestation de services. Pas du tout ! Une nouvelle mode est passée par là ! Ce qui compte désormais c’est évidemment toujours les tracasseries préalables à la passation du marché toujours aussi tatillonnes mais avec un final en apothéose : payer au fournisseur ce qu’il demande avant même d’avoir pu vérifier si sa demande est justifiée !

La CCEN saisie de cette nouvelle fulgurance a réussi, dans un premier temps, à éviter le pire, mais comme elle ne peut décemment s’opposer à tout, elle a fini par accepter le nouveau texte après de substantielles modifications.

Il demeure qu’après avoir été martyrisées pendant toute la procédure de passation des marchés, les collectivités se voient désormais sommées de payer les factures sur la simple production d’un état présenté par l’entreprise elle-même, avec obligation de répondre dans un très court délai sauf à approuver tacitement le décompte. Au diable la vérification de la bonne exécution des travaux, la livraison effective des fournitures ou la prestation réelle de services. Peu importe puisque le but n’est pas la fourniture de biens et de services à la collectivité mais de jouer au « jeu de lois ».

On se pince pour y croire. S’il s’agit, comme on peut le comprendre, de ne pas pénaliser les entreprises par des délais de paiement trop tardifs, pourquoi alors avoir oublié de simplifier toute la chaîne de procédure, de la conception du projet à son paiement ? Comment avoir pu oublier l’allègement de tout le formalisme excessif ?

Trop simple me direz-vous ? Il est vrai que ceux qui écrivent les textes n’ont jamais passé de marchés de leur vie. Cela explique tout ! Simplifier la commande publique, en faciliter l’accès notamment auprès des PME, garantir le bon usage des deniers publics en terme de probité et d’efficacité, tout en préservant l’acheteur public d’une pression pénale inutile et même contre productive devrait être le seul souci des administrations centrales, en cette période de croissance molle.

Non ! Qu’importe le droit fou pourvu qu’on ait l’ivresse. Le délit de favoritisme restera le premier chef de mise en cause des agents territoriaux,.

On ne va tout de même pas changer un droit qui perd !