Lors de la dernière élection présidentielle de 2012, François Bayrou m’a proposé de rejoindre son équipe afin de lui apporter mon concours dans la préparation de la stratégie de finances publiques du quinquennat 2012-2017.

Même si son élection n’était pas probable, nous nous étions obligés à un exercice exigeant de sincérité. Nous étions bien les seuls, au milieu de la kermesse médiatique aux tournures de concours de promesses aussi fallacieuses que mensongères.

J’avais suggéré que tous les candidats s’obligent à présenter un graphique de leurs prévisions financière pour le quinquennat, sous la forme des informations financières que nous devons à Bruxelles et à nos partenaires européens. Afin que les engagements de chaque candidat puissent, d’année en année, être vérifiés.

Nous fûmes seuls à le faire.

Le billet que j’ai posté le 9 avril 2012 (à quelques encablures de la présidentielle) sur ce blog n’eut qu’un très modeste succès d’estime : https://www.alain-lambert.org/2012/04/lheure-de-verite-pour-lavenir-de-nos-finances-publiques/ Il était pourtant un exercice minimal et indispensable d’éthique démocratique.

Examinons, ce qu’il en résulte deux ans et demi après l’élection. Les graphiques ci-joints sont faciles à suivre et ils permettent d’offrir la pédagogie indispensable si nous voulons progresser sur le chemin du redressement et de la vertu budgétaire. Et éviter de donner le sentiment que nous sommes surpris, voire martyrisés par Bruxelles, alors que nous leur mentons honteusement à chaque élection présidentielle, comme il est menti aux Français, d’ailleurs !.

A noter que les chiffres ont été retraités, selon la méthodologie classique puisque le mode de calcul du PIB a changé en passant de la référence SEC 2005 à SEC 2010.

depense

 

S’agissant des dépenses, celles promises par le Président élu François Hollande, étaient déraisonnablement généreuses. Voire la courbe en rouge Grâce au ciel, elles n’ont pas été tenues, car le déficit serait encore pire que celui prévu pour 2014. Celles anticipées par le candidat sortant Nicolas Sarkozy étaient assez proches du programme de stabilité 2014 du présent gouvernement. Elles étaient fondées sur les prévisions INSEE. Celles que j’avais recommandées à François Bayrou étaient stabilisées en valeur par rapport à l’exécution 2012, soit environ 35 Mds€ de moins que ce qui sera dépensé. On ne peut pas dire que la prévision était démagogique. Bien au contraire. Et je persiste à confirmer que c’était la seule raisonnable. Car nous aurions 35 Mds€ de déficit en moins.

A noter cependant que les promesses de campagne n’engagement vraiment que ceux qui les croient, comme disait un homme politique célèbre, car le Président François Hollande a bien été contraint de ne pas s’éloigner, en dépenses, de la courbe dessinée par l’INSEE avant les élections.

recettes

S’agissant des recettes, l’heure de vérité sonne cruellement aujourd’hui ! Les candidats qui ne s’embarrassaient pas d’une sincérité excessive, les prévoyaient florissantes. La réalité se révèle d’une cruauté terrible. Elles sont estimées par le gouvernement à 1.150 Mds€ pour 2014, or le graphique révèle que le seul candidat sincère, en la matière, aura été Bayrou ! Nous n’avions surestimé ces recettes que de 17 Mds€ quand F. Hollande les avaient surestimées de 71 Mds€ et N. Sarkozy de 40 Mds€. Les deux candidats du 2ème tour, grâce à une prévision de croissance hyper optimiste avaient vendu des illusions de recettes qui n’ont pu se réaliser. Malgré les nombreuses  augmentations d’impôts décidées par le Gouvernement, le produit s’étant effondré.

solde

Mais l’épreuve de vérité et de sincérité se vérifie immédiatement sur le solde (c’est-à-dire le déficit) dont le graphique doit être lu de la manière suivante : les 3% étaient retenus comme intangibles par tous les candidats. François Hollande y parvenait en surestimant ses recettes possibles de 71 Mds€, Nicolas Sarkozy en les surestimant de 40 Mds€, et François Bayrou y parvenait grâce à l’effort de 34 Mds€ qu’il imposait sur les dépenses grâce à la stabilisation en valeur par rapport à l’exécution 2012 dont nous avions fait un thème de campagne.

dette

S’agissant de la dette, elle est la traduction de tout ce qui précède. Elle est de 79 Mds€ de plus que ce que le candidat François Hollande avait anticipé.

pib

Quant au PIB ou à la prévision de croissance qui est la clé de toutes les ruses des candidats pour promettre des lendemains qui chantent. Ces prévisions se sont révélées beaucoup plus faibles que tout ce qui avait été anticipé par les deux candidats du 2ème tour. Une fois encore, la prévision de François Bayrou fût la plus vertueuse, même si elle dépassait ce qui a pu être atteint. A noter que le FMI avait une prévision assez sûre !

La morale de l’histoire est de savoir si les élections présidentielles pourront enfin être un jour entourées d’une exigence de sincérité suffisante pour permettre un consentement éclairé des électeurs contribuables ? Sans être désagréable pour personne, la réponse est non, en l’état du droit électoral existait. La loi doit-elle enfin obliger à plus de sincérité ? La réponse pourrait être oui ! C’est une question de morale, d’éthique, de responsabilité et de démocratie, et j’en traite longuement dans le livre que j’ai publié l’an dernier « déficits publics, la démocratie en danger ». Cela suppose une mobilisation générale de tous les citoyens, des observateurs, de la presse, et aussi des candidats afin qu’ils participent à la renaissance bien nécessaire de notre démocratie. Pour ma part, je resterai jusqu’au terme de mon engagement arcbouté sur des principes de sincérité. Et je remercie encore François Bayrou de m’avoir fait confiance sur ce sujet et d’avoir accepté de le partager quel qu’en soit le résultat. S’il n’a pas été électoralement payant, il est moralement et démocratiquement rassérénant !