Au milieu des années 1970, Alain Peyrefitte, intellectuel et homme politique français, avait publié un essai ainsi intitulé « Le mal français » qui connut un très grand succès. Dans le corps de l’ouvrage, l’auteur, ancien ministre et élu local, faisait part de son expérience politique nationale et locale, et s’insurgeait contre plusieurs maux français formant une sorte de maladie : les règles tatillonnes de l’administration, l’excès de bureaucratie, la centralisation, un État trop dirigiste, etc. Il recommandait de profondes réformes administratives, politiques et sociales, en fustigeant la « société bloquée » française et le pessimisme ambiant. On ne peut pas dire que les choses ont beaucoup changé en … 40 ans !

Il consacrait un chapitre à l’effet Sérendip : concept général qui, pour faire simple, se résume ainsi « on cherche à faire le bien et on fait le mal ». D’autres appellent cela la zemblanité. Peu importe, la vérité oblige à dire qu’en matière juridique et notamment d’édiction de « normes », l’Etat cherche probablement à faire le bien mais il fait le mal !

Le Bulletin Quotidien, véritable « journal officiel » des décideurs traite ce matin du rapport d’activité du Conseil National d’Evaluation des Normes (CNEN) que je préside dont nous avons parlé sur ce blog le 24 juillet dernier sous la forme d’un appel à un aggiornamento pour sortir de l’excès de normes !

Le Journal « Valeurs actuelles » a lui-même publié, il y a quelques semaine de longues pages sur le sujet.

Ma conviction profonde est que « le choc de simplification » voulu par le Président de la République ne se produira pas à raison de l’absence de culture juridique des administrations centrales. Ils ignorent ou veulent ignorer les sains principes de proportionnalité, de simplicité, d’accessibilité et d’intelligibilité comme garants de la meilleure sécurité juridique. Chaque rédacteur de texte obligatoire devrait connaitre par cœur le discours préliminaire au code civil prononcé par Portalis pour comprendre que les normes sont faites pour les hommes et non les hommes pour les normes. Qu’elles doivent être adaptées au caractère, aux habitudes, et à la situation des citoyens. S’il est possible de calculer les avantages que la théorie offre, il est trop souvent oublié tous les inconvénients que la pratique seule peut découvrir. Qu’il faut s’en tenir au bien si l’on est en doute du mieux. Qu’en corrigeant un abus, il faut toujours examiner les dangers de la correction même. Qu’il est absurde de se livrer à des idées absolues de perfection dans les domaines  qui  ne  le  permettent pas.  Qu’au  lieu  de  changer  les  normes,  il  est  presque toujours utile de présenter aux citoyens et à leurs collectivités de nouveaux motifs de les aimer.

Dans le combat anti-normes, nous avons besoin de tous.