La France est probablement le Pays au monde qui se promet le plus à lui-même de se simplifier. Et c’est le Pays qui le fait le moins. C’est même lui qui complexifie davantage chaque jour sa propre vie et celle de ses citoyens et de ses entreprises … après la Corée du Nord. Naïf, j’ai longtemps cru que toute promesse de simplification produirait des effets. J’ai compris depuis qu’il en résulte généralement l’inverse ; les simplifications annoncées se transformant en complications supplémentaires.

Sans prétendre en expliquer tous les ressorts, tant le mal est profond, et tant il a été décrit par des milliers d’ouvrages, ce qui me frappe le plus, depuis que je m’occupe de ce sujet, c’est-à-dire depuis 7 ans environ, c’est que l’exercice de simplification est toujours confié à ceux qui n’exercent jamais eux-mêmes le job à simplifier. L’avis de ceux qui accomplissent au quotidien le travail concerné n’est jamais sollicité. Ils sont simplement priés de trouver génial qu’on leur ait transformé en enfer ce qui n’était encore qu’un cauchemar. Chaque fois que j’ai eu à organiser un débat entre un praticien et un théoricien, ce dernier assomme systématiquement le premier de ses certitudes, et le fait renoncer à tout espoir d’amélioration. L’idée que la modification souhaitée puisse être utile à ceux auxquels elle est destinée n’est pas même envisagée. L’essentiel est qu’elle simplifie la vie de celui qui l’impose. L’idée venant d’en haut sera toujours réputée intelligente et appropriée. La remarque venant du bas reçue comme étriquée et tracassière. Suspecte également. Car en bas, la vertu est réputée rare. En haut, elle embaume chaque texte nouveau d’un parfum dont le Peuple inculte est inapte à apprécier les exquises saveurs.

Depuis que je préside aux destinées d’abord de la CCEN et maintenant du CNEN, j’ai été amené à examiner entre 1.500 et 2.000 textes frappant le fonctionnement des collectivités territoriales. Je ne parviens pas à me souvenir d’un seul texte qui ait véritablement permis de simplifier et d’alléger la tâche des administrations locales et les coûts pour leurs contribuables. Je suis bien évidemment prêt à m’excuser, si je commets un oubli. Mais je redoute qu’on ne me contredise guère. En revanche, je suis sûr, que si nous n’avions pas été là, avec mes collègues élus, depuis 2008, comme des moines soldats pour éviter le pire, nous serions totalement ensevelis dans le torrent de papier qui s’abat sur nous chaque mois.

La dernière édition du Moniteur, en date du 24 juillet dernier, publie un article fort intéressant sur cette question de la simplification de la réglementation, notamment dans le bâtiment. Dans l’ITW que j’ai donnée, j’ai essayé de maintenir la pression, tout en ne désespérant pas tous ceux qui sont acteurs de l’économie de ce secteur important d’activité.

On me reproche parfois de n’être pas assez positif sur le sujet des normes, alors voici une idée : j’ai l’intime conviction que si le Premier Ministre en personne venait présider une matinée de réunion, – visant à l’abrogation ou l’allègement de normes pénalisant le secteur du bâtiment ainsi que l’action du Gouvernement, puisque les logements promis ne sont pas construits, – un nombre incalculable de normes inutiles seraient levées. Nous avons impérativement besoin de l’arbitrage politique. Les techniciens sont incapables de renoncer à une disposition nouvelle quand bien même elle ruinerait tout un programme entier de logements.

C’est pourquoi la simplification restera une illusion tant que le corps politique n’en fera pas sa priorité, non pas en paroles, mais en action.

C’est à ce prix que la simplification ne restera pas le symbole d’une impéritie française.