Son homélie est un des textes les plus puissants que nous ayons entendu ces derniers temps. Il était réconfortant. Face à la stupeur qui a frappé l’église, on aurait pu espérer à son endroit une bienveillance générale. C’était sans compter avec le mouvement LGBT, actif au sein de notre société. Une simple phrase, située au milieu d’autres, concernant des personnes et des situations tout autant dignes d’intérêt, a déclenché un embrasement irrationnel sur les réseaux sociaux, émanant des militants de ce mouvement.

Comme beaucoup de juristes, je pense qu’il n’est pas envisageable de revenir sur le mariage homo. Il ne sert donc à rien de pousser de préventifs cris d’orfraie. Ils peuvent s’interpréter comme des pressions préalables, lesquelles ne peuvent qu’indisposer les non militants dans mon genre. Les diatribes violentes publiées sur le web semblaient émaner “d’égorgés” vifs. Pourtant, n’était-ce pas d’un assassinat bien réel dont il était question à cette messe ? D’un prêtre égorgé ! Pendant l’office qu’il célébrait. Et voilà qu’un militantisme sociétal prétendrait que sa voix devrait surpasser ce crime ? Mais dans quel pays vivons-nous ? Une phrase d’homélie devrait faire plus de bruit qu’un crime abject. Des paroles pourraient plus blesser qu’un couteau qui égorge ? Je me crois capable de calme et de raison. Devant tant d’impudence, il m’arrive d’avoir envie de crier “taisez-vous” ! Je ne fais la morale à personne, mais je n’entends pas me faire dicter celles des autres. En défendant trop bruyamment sa cause, généralement on l’affaiblit. C’est ainsi que j’ai perçu les communications indignées d’hier.

Il suffit de relire posément le Cardinal pour constater qu’il n’a nullement cherché à rouvrir un débat aujourd’hui clos. Il a traité des sujets de société en général, qu’on en juge : “l’espérance a un projet, celui de rassembler l’humanité en un seul peuple”. “On ne construit pas l’union de l’humanité en chassant les boucs-émissaires”. “Une société de confiance ne peut progresser que par le dialogue dans lequel les divergences s’écoutent et se respectent”. Il a mis en garde contre une société qui se réduirait “à un consortium d’intérêts dans lequel chaque faction viendrait faire prévaloir ses appétits et ses ambitions”. Il a en effet parlé du silence, du silence de protection pour s’éviter de l’agressivité, voire des conflits, quand on tente “l’expression d’une opinion qui ne suit pas l’image que l’on veut nous donner de la pensée unique”. Il a parlé du silence des parents devant leurs enfants, de la panne de transmission des valeurs communes. C’est à ce moment précis qu’il a évoqué “les déviances des mœurs et légalisation des déviances”. Cela ne fait que six mots sur des milliers. De quoi peut-il s’agir ? Du mariage ? Il est en vigueur. L’histoire du droit nous instruit qu’il est bien rare de revenir sur une situation de droit légalement acquise. A défaut d’être un principe constitutionnel totalement établi en France, il l’est en Allemagne, il l’est au niveau européen. Ceux qui prétendent revenir dessus n’ont pas totalement vérifié leur latitude en cette matière. On peut imaginer qu’il ait pensé à la PMA, la GPA. Est-ce une nouveauté de la part de l’église ? Franchement, c’est même plutôt une constance. S’agissant d’un débat qui ne va pas manquer de venir lors de la présidentielle, fallait-il l’esquiver ? Pourquoi pas. Admettons, mais fallait-il en faire tout un fromage ? Evidemment non ! Mille fois non !

Pour avoir été parlementaire vingt ans, Je sais combien tous ces sujets sont délicats et nécessitent un débat apaisé. En même temps, ces sujets de société m’ont rendu humble. Je me souviens du débat sur l’euthanasie (cela n’a rien à voir, mais ce moment était particulièrement grave). Ne parlaient que ceux dont la formation et ou la pratique leur permettaient d’avoir une vue large et pondérée sur la question. C’était un moment de grande humilité pour nous les autres qui étions plus nombreux. Aucune voix ne cherchait à couvrir l’autre. Le respect dominait l’assemblée.

Le respect, le respect mutuel c’est sans doute ce qui manque le plus aux Français dans la période difficile que nous traversons. Travaillons-y tous ensemble et cela ne pourra que nous aider. Je souhaitais exprimer mon grand respect pour le Cardinal et pour son texte qui nous invite à l’espérance, au pardon, et à la bienveillance.

Lire ici le texte de l’homélie.

Le Monde : Indignation à propos d’une phrase du cardinal Vingt-Trois sur « les déviances des mœurs »

Cardinal 23 et PR