La presse l’a écrit cette semaine. A nouveau, la situation des banques se serait dégradée, exigeant une intervention dans l’urgence de la BCE. Ainsi, le Monde affirme que « l’opération massive et inédite entreprise par la Banque Centrale Européenne a apaisé ponctuellement les désordres du marché monétaire ». Et de préciser que l’établissement central vient de prêter un montant « spectaculaire » : 348,6 milliards d’euros ! Cette façon de présenter illustre malheureusement plutôt l’avidité de sensationnel de quelques uns … Analysons lucidement ce qui s’est passé.

Les adjectifs ne donnent pas spécialement dans la dentelle : opération massive et inédite, montant spectaculaire … Tout cela semble indiquer que l’incendie repart de plus belle tandis que les pompiers cèdent à la panique. Dans un billet du 24 août dernier, sur le « mystérieux rôle des Banques Centrales », j’expliquai que, de façon tout à normale, ces dernières intervenaient sur le marché monétaire dont elles donnaient le « la », au moyen du taux directeur. Les modalités d’intervention sont variées, mais la principale est celle dite d’« opération principale de refinancement ». Elle a lieu toutes les semaines, la BCE prêtant sur des périodes courtes (7 jours). C’est exactement ce qui s’est produit le 19 décembre dernier : comme toute les semaines, la BCE a effectué son « appel d’offre », c’est-à-dire a demandé aux banques de la zone euro de lui faire connaître leurs souhaits d’emprunts. Il n’y a là rien que de très normal …

La somme peut sembler très élevée. Si on compare avec les sommes prêtées chaque semaine, elle est effectivement dans le haut du panier, touefois sans rien d’extraordinaire : le 4 juillet dernier, la BCE a prêté 357 milliards d’euros : le 13 septembre 2006 : 356 milliards. Et de façon régulière, la BCE engage des sommes proches : 330 milliards fin 2006 et tout début 2007 ou en novembre 2006 … Assez curieusement, le Monde ne relève pas les montants plutôt réduits que la BCE a prêté chaque semaine au cours de ces derniers mois. Ainsi, les « refinancements » hebdomadaires sont fréquemment compris entre 250 et 300 milliards. Pourtant, depuis la mi septembre, et à une ou deux exceptions, on s’est situé très en dessous des 200 milliards !!! Bref ! Nous sommes loin du « massif », de « l’inédit » et du « spectaculaire ». On s’interroge donc sur les raisons qui conduisent à hurler au loup quand il n’y a pas de loup !

Est-ce dire que tout est redevenu normal ? Certes pas. La méfiance demeure et alimente la crise bancaire. Ainsi, traditionnellement les taux du marché monétaire à 3 mois se situent environ à 0,20 point au dessus du taux directeurs. Ce dernier étant fixé à 4 %, l’euribor 3 mois (le taux d’intérêt pour des sommes prêtées à 3 mois) aurait du se situer à 4,20 %. Or depuis le mois d’août, il est plutôt à 4,5 % – 4,6 % montant même à 4,94 % le 14 décembre. Il est d’ailleurs fort vraisemblable que les taux à trés court terme ne puissent guère grimper plus, puisque les banques pourraient tirer sur un « découvert permanent » que leur accorde la BCE, et dont le taux est actuellement à 5 %. Cependant, les tensions restent vives. Et il en sera ainsi tant que la situation ne sera pas clarifiée : qui détient réellement des « subprimes » dans ses portefeuilles ?

Question en marge : une crise des « subprimes » est elle possible en France ? Une rapide enquête que j’ai menée et qui n’a pas prétention à l’exhaustivité montre qu’à ce jour il n’y a pas d’augmentation d’incidents de paiement sur des prêts immobiliers. A cela plusieurs raisons : les taux directeurs en Europe n’ont grimpé que de 2 points contre 4 aux USA ; la réglementation française est plus draconienne en matière d’octroi de prêt que celle US ; il existe aussi fréquemment des mécanismes d’atténuation des hausses de taux : allongement de la durée du crédit, cap (c’est-à-dire plafonnement du taux) voire possibilité de passer à taux fixe … Ceci dit, il convient d’être prudent : les taux à 3 mois, souvent utilisés comme référence, sont anormalement élevés et pourraient conduire à des révisions douloureuses dans les semaines qui viennent.