J’ai eu l’honneur de présider les Notaires de France durant la période 1996 – 1998. Un des temps forts de ces présidences, limitées à deux années, fut le Congrès de Lyon, en 1998. J’y annonçai la nécessité*** pour les notaires de travailler au support électronique pour les actes authentiques reçus par leurs ministères. – (voir aussi vidéo) Deux ans après, un texte est venu devant le Parlement pour insérer l’électronique dans le droit de la preuve. Je me suis beaucoup impliqué pour que le Code-Civil intègre la signature électronique au même titre que la signature manuscrite sur papier. Nous y sommes parvenus. La loi a été adoptée. Depuis, le Conseil Supérieur du Notariat a travaillé d’arrache pied pour mettre en place une plate-forme technologique sécurisée aux normes mondiales les plus sûres. Le premier acte authentique reçu sur support électronique a été reçu solennellement en Octobre dernier, en première mondiale. Il aura fallu 10 ans, beaucoup de constance et d’investissements intellectuels, matériels et financiers. Bravo à cette belle profession d’avoir ainsi montré l’exemple d’une mission d’Etat exercée avec autant d’anticipation et d’efficacité.
Plaidoyer pour la validité de la signature électronique, Sénat, 8 février 2000.

*** L’authenticité sans rivages : les nouvelles technologies. Un autre formidable enjeu se présente à nous : celui des nouvelles technologies, celui des grands réseaux, celui de l’Internet. Une vie juridique y est née, des contrats s’y nouent, des consentements y sont échangés. Si nous voulons que la vie s’y ordonne selon des principes universels de droit, nous devons agir rapidement.
Madame le Garde des Sceaux, une demande de droit, une demande pressante de sécurité juridique s’exprime sur ces réseaux sans frontières; elle interpelle chaque État : La France croit-elle utile que s’expriment dans cet univers des prérogatives de puissance publique pour maintenir un standard de sécurité juridique digne de l’histoire de notre continent ? L’Europe saisira-t-elle sa chance de définir, avec le concours de ses États membres, son propre standard de sécurité ? L’authenticité classique délivrée au nom des souverainetés nationales vous semble-t-elle transposable dans ce nouvel univers, sans se dénaturer et perdre ses qualités de preuve, d’exécution, de conservation et d’impartialité ?
Les Etats-Unis en ont, comme souvent, appréhendé très tôt les enjeux et proposent naturellement des orientations très libérales. La France et l’Europe, fidèles à leur culture, souhaitent-elles proposer leurs solutions qui concilient dynamisme des marchés et préservation des valeurs ? L’occasion de l’affirmation d’une identité européenne sera-t-elle saisie ?
L’insécurité juridique qui règne sur ces réseaux inquiète les agents économiques au point qu’ils appellent à l’institution de tiers de confiance, d’arbitres, de garants. Sans bien le savoir, ils réinventent la fonction notariale en utilisant les mots mêmes de  » notariser, authentifier, certifier « . La naissance d’une nouvelle profession serait-elle annoncée ? Sera-t-elle opérateur de marché ou relèvera-t-elle d’autorités publiques issues d’institutions démocratiques ?
Face à cet enjeu de la naissance d’un nouveau  » notaire  » dans l’univers électronique, je veux vous dire ce matin, Madame le Garde des Sceaux, la détermination de vos notaires français à y être tous présents dans les prochains mois, pour y exercer la mission que vous voudrez bien leur confier et offrir leur savoir-faire, leurs compétences et leurs valeurs de justice et d’équité que l’électronique ne saurait effacer. Dans les semaines qui viennent, chaque notaire de France devra relier son office au réseau intranet notarial sécurisé. Ainsi sera mis en oeuvre un système unique et exclusif de sécurisation des échanges immatériels répondant aux plus hautes exigences en matière d’identification, de signature électronique, de cryptage et de conservation. Le notariat français sera en mesure de présenter une offre de sécurité parmi les plus élevées de celles développées en France et en Europe.
Tout au long de ce propos, j’ai évoqué l’État, du notariat et le lien qui les unit pour progresser vers une société toujours plus humaine en France et en Europe. Madame le Garde des Sceaux, je souhaite vous avoir traduit la foi qui nous anime et les espoirs que nous formons dans la mission d’État, dans la mission  » du sceau  » que nous exerçons sous votre autorité. Nous écouterons avec la plus grande attention, vous l’imaginez, votre message ; il constituera en quelque sorte notre  » feuille de route  » pour les années qui viennent.
Mes chers confrères, c’est la dernière occasion qui m’est offerte de m’adresser à vous au sein de cette formation, je puis donc vous demander de partager avec moi le sentiment profond qui m’habite : la confiance dans l’avenir ! Nous avons, en naissant au notariat, reçu une chance formidable :
• incarner l’État, la puissance souveraine, l’équité, la justice,
• assumer les risques du marché dans l’exercice libéral de notre ministère,
• ériger des libertés individuelles et les traduire en droit pour en faire la loi des parties.
• concilier la liberté, base de l’efficacité économique, et la sécurité, composante essentielle de l’harmonie sociale.
Alors, ayons confiance, soyons les pédagogues de l’avenir. Délivrons aux générations futures un message d’espoir. Oui, l’Europe se construit pour elles. Oui, les technologies leur révèlent de nouveaux horizons. Oui, le monde entier leur est ouvert. Offrons-leur les instruments pour que dans ce monde souffle un esprit de paix, de justice et de fraternité.