J’ai évidemment parfaitement conscience de choquer une bonne majorité de Français en posant cette question. De passer, une fois de plus, pour un libéral écervelé qui ne poursuit d’autres buts que de vouloir asphyxier, que dis-je faire périr l’Etat. C’est précisément le contraire qui m’anime. Un Etat qui ne se soumet pas aux disciplines démocratiques se met en danger de mort comme un patient ignorant le régime qui lui a été prescrit pour le guérir.

De mémoire, nous sommes pourtant tous réunis dans l’idée rassemblée dans le premier paragraphe de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyens L’article 16 précise d’ailleurs que « Toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée ni la séparation des pouvoirs déterminée, n’a point de Constitution. »

Or qu’est-ce-donc que ce « Shutdown » sinon le refus par le Parlement d’autoriser le Gouvernement à dépenser plus qu’il n’a été autorisé à le faire ? Ce faisant, il accomplit la mission pour laquelle il a été institué, c’est-à-dire contrôler l’Exécutif et veiller à ce que celui-ci rende compte aux citoyens de sa gestion.

Dans un régime présidentiel comme celui de l’Etat fédéral américain, la contrainte est plus forte car le Président n’a pas de pouvoir de dissolution et doit donc négocier avec le Parlement pour obtenir une rallonge, ce qui l’oblige à des concessions de son côté et donne le sentiment d’un marchandage peu élégant.

En France, il en serait tout autrement. En cas de désaccord prolongé entre le Président et le Parlement, le Chef de l’Etat dispose du pouvoir de dissolution pour renvoyer les députés devant les électeurs et recueillir ainsi l’avis du Peuple. Cela s’est pratiqué une fois en 1962 par le Général de Gaulle, suite à une motion de censure contre Georges Pompidou, celui-ci a été immédiatement renommé et la nouvelle assemblée élue, après de nouvelles élections, a confirmé les choix du Président. Ce récit illustre l’idée qu’il s’agit bien d’un exemple de vitalité de la démocratie. Au lieu de vivre dans un climat comateux où le pouvoir flageole face à une majorité capricieuse, il se lève et va demander aux citoyens de bien vouloir trancher le conflit qui l’oppose au Parlement.

Un Shutdown à la française permettrait de surmonter le désenchantement des citoyens devant la pratique molle de la démocratie rationnalisée. Les espoirs déçus, l’écart sans cesse croissant entre les promesses et les résultats concrets se réduiraient. Nos démocraties sont désormais sommées d’affronter des forces qui compromettent leur sécurité, leurs économies, leur qualité de vie, et le bien-être de leurs citoyens.

Or les Parlements sont les piliers d’une démocratie qui incarne la volonté des peuples, portent l’espérance que cette démocratie réponde réellement à leurs besoins et contribue à résoudre leurs problèmes urgent .

Vu sous cet angle le « Shutdown » apparait soudain moins un recul qu’une vitalité.