L’article 39 I- du projet de loi de finances pour 2016 propose de porter de 25 % à 50 % la part de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) revenant aux régions à compter de 2017 en réduisant la part revenant aux départements de 48,5 % à 23,5 %. Dit autrement, et selon l’expression bien connue, « on découvre Saint-Pierre pour couvrir Saint-Paul », ou l’on paie ses dettes en en faisant de nouvelles. Pratique trop connue des gouvernements sans scrupules.

Cette proposition constitue une déloyauté flagrante en même temps qu’une incongruité budgétaire manifeste.

Déloyauté, en reniant la parole de l’Etat. La part de CVAE n’a jamais été une ressource offerte aux départements pour reconnaitre leurs mérites ou couvrir des dépenses nouvelles qu’on leur aurait imposées. Non ! La CVAE est la ressource équivalente au produit d’un impôt dont on les a privés : la Taxe Professionnelle. Au cœur de la réforme de cette Taxe Professionnelle figurait un principe, acté par la loi: la compensation intégrale au profit des collectivités territoriales des pertes de recettes liées à la suppression de cette Taxe. La nouvelle répartition des impôts locaux entre les collectivités locales, dont la CVAE, devait garantir à chaque collectivité un niveau de ressources équivalent à celui des anciennes ressources, à la date de la réforme. Revenir aujourd’hui sur cette répartition, c’est renier la parole de l’Etat, et violer les principes posés par la loi de réforme de la TP. C’est revenir sur une condition essentielle et déterminante de cette réforme, sans laquelle elle n’aurait pas été adoptée.

Déloyauté mais aussi incongruité. Parmi les grands principes budgétaires consacrés par la loi organique, et sans lesquels il n’est plus de démocratie, il existe le principe d’universalité. Principe au cœur duquel figure la règle de non-affectation, qui interdit précisément l’affectation d’une recette à une dépense déterminée. Le transfert aux régions de la moitié de la CVAE revenant aux départements serait motivé par le transfert de la compétence transports. Avec de tels raisonnements, totalement contraires aux principes les plus fondamentaux, pourquoi ne pas alors consentir aux départements des parts de CSG qui est un prélèvement destiné à la financer la protection sociale ? Quand les bornes sont franchies, il n’y a plus de limites, disait le célèbre Pierre Dac. C’est l’exercice auquel se livrerait le Gouvernement s’il persistait dans cette voie doublement inacceptable.

La confiance dans l’Etat est ruinée quand il renonce à garantir la fiabilité de ses engagements, quand il choisit délibérément de les renier. Cette perte de confiance est une atteinte dangereuse à la démocratie. Quel crédit peuvent accorder des citoyens, ou leur collectivité la plus proche, lorsque l’Autorité supposée les protéger fait pire que manquer à ses devoirs en étant elle-même source d’insécurité et de tromperie ?

Les départements combattront donc avec fermeté ce texte ! Il eût été plus simple et plus digne que le financement des dépenses transférées aux régions s’opère avec de la fiscalité d’Etat puisque c’est lui qui a imposé ces transferts qui ne lui étaient demandés par personne.

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