L’obligation de présentation du programme de stabilité en Conseil des Ministres, la semaine passée, pouvait laisser espérer que la presse économique et financière contraigne enfin les candidats à la Présidentielle à présenter leur propre programme, comparé à celui adopté par le Gouvernement.

Silence généralisé ! Comme s’il ne s’agissait pas des engagements de la France et non ceux de François Hollande. Comme si l’exercice était inutile ou incompréhensible. Comme si le Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance de l’UEM n’existait pas. Comme si, en 2012, François Hollande n’avait pas été obligé de contourner la révision constitutionnelle, pour l’inscrire dans une Loi Organique du 17 décembre 2012. Comme si le mécanisme de sanction pour non-respect n’existait pas. Bref, à l’image des enfants de l’école maternelle, ladite presse nous a laissé jouer à une démocratie à Colin-maillard, les yeux bandés, dans l’espoir incertain d’approcher la vérité.

Ce document est pourtant le seul qui permette de connaitre ce qu’un candidat envisage de faire, durant cinq ans, avec la bourse commune des Français. C’est le seul document qui trace les dépenses, les recettes, et le solde prévu pour les comptes publics des Français ! C’est le seul document qui révèle la croissance sur laquelle table le candidat, année après année, et la dette qu’il envisage de laisser à ses successeurs ! Et cela semble n’intéresser personne. Les pseudos experts préférant s’écharper sur l’impossible chiffrage de mesures annoncées exclusivement pour le marketing électoral. Mais de la facture finale, nous ne saurons rien !

Alors, essayons de nous débrouiller seuls. Et laissons le soin aux équipes des candidats de corriger nos oublis ou erreurs que nous corrigerons immédiatement et bien volontiers. Evidemment, nous utiliserons la monnaie courante, celle que nous avons dans notre poche ou sur notre compte en banque, et non les ratios de PIB si chers aux technocrates.

La copie de François Hollande, Président de la République, s’arrête en 2020, comme le droit communautaire lui en fait obligation. Comme il n’est pas candidat à sa succession, on ne peut donc pas lui reprocher de ne pas couvrir le prochain quinquennat. En revanche, savoir ce que les candidats à sa succession veulent faire de notre argent est de la plus haute importance. S’agissant de leurs chiffres, nous nous sommes inspirés des travaux excellents menés par le Journal l’Opinion et son journaliste Raphaël Legendre.

Les graphiques ci-dessous nous permettront de mieux suivre le raisonnement supposé de nos édiles.

S’agissant des dépenses, le programme de stabilité (courbe en rouge) présenté par le Président de la République est d’une vertu tellement exemplaire qu’elle nous semble bien difficile à tenir. J’y vois comme un défi lancé à son successeur, quel qu’il soit. La trajectoire que nous pensons possible est en jaune, celle de François Fillon est en vert. Elles ne diffèrent pas beaucoup. Nous sommes plus exigeants que lui de 27 milliards en 2016. Ce qui est la preuve que son programme n’est en rien excessif. En revanche, l’ardeur dépensière d’Emmanuel Macron (courbe en bleu) est saisissante. Il envisage, en 2016, de dépenser 91 milliards de plus que François Fillon et 118 milliards de plus que ce que nous proposons. Son programme de dépenses est tout simplement impossible à financer. A noter qu’en 2012, François Hollande avait envisagé de dépenser, en fin de mandat, 64 milliards de plus que ce qu’il a fait. Et que, dans la réalité, il n’a pas pu financer plus que ce qu’avait prévu … Nicolas Sarkozy ! Les promesses d’Emmanuel Macron en 2017 sont donc aussi irréalistes que celles de François Hollande en 2012 ! Il pourra peut-être au moins nous expliquer pourquoi il envisage, dès 2020, de dépenser 109 milliards de plus que l’engagement de la France adopté par François Hollande.

S’agissant des recettes, et donc des impôts qu’il est envisagé de prélever sur le fruit de notre travail, là encore, le programme de stabilité (courbe en orange) présenté par le Président de la République est tellement vertueux qu’il me semble bien difficile à tenir. J’y vois, là aussi, comme un défi lancé à son successeur, quel qu’il soit. Comme pour les dépenses, la trajectoire proposée par Emmanuel Macron n’est pas réaliste. Il envisage, à la fin du mandat, de prélever 65 milliards de plus que François Fillon, et 98 milliards de plus que ce que nous proposons. Emmanuel Macron reste dans la ligne de François Hollande en 2012, lequel s’était fixé de prélever en fin de mandat 116 milliards de plus qu’il ne lui a été possible de faire.

S’agissant du solde, il n’est que la différence entre les recettes et les dépenses. En l’absence de toute cohérence de ces deux éléments, le solde ne veut pas dire grand-chose. On peut simplement remarquer que François Fillon accepte de révéler un accroissement du déficit en début de période, probablement parce qu’il ne croit pas en la sincérité des prévisions du gouvernement sur les comptes 2017. Ensuite sa trajectoire est volontariste. Celle d’Emmanuel Macron, une fois encore, en restant sur un déficit important, s’éloigne de celle du Gouvernement, ce qui ne manque pas de surprendre puisque ce dernier est tout de même tenu à une certaine cohérence vis-à-vis des autorités de Bruxelles. A l’horizon 2020 il prévoit un déficit supérieur de 28 milliards supérieurs à celui du Gouvernement. On ne peut qu’être surpris de voir le Ministre des Finances allemand confiant sur le programme Macron. On peut sincèrement se demander si tout le monde travaille sur les mêmes chiffres.

La morale de l’histoire est que l’absence d’un débat organisé et responsable sur les trajectoires respectives des candidats rend notre choix démocratique aveugle. Que le projet d’Emmanuel Macron, s’il est celui des chiffres connus, n’est pas réaliste ni réalisable. Que celui de François Fillon n’est en rien brutal ou excessif. Et que ce seul outil qui aurait permis d’éclairer les Français sur leur choix n’est pas utilisé, alors que la copie présentée par le Gouvernement permettait de le faire et aurait obligé chacun à la transparence et la sincérité.

Ce sera vraiment l’élection de toutes les improvisations.