Dans l’imaginaire français, le notaire est parfois resté celui décrit par Balzac œuvrant laborieusement dans une étude poussiéreuse. A la vérité, cet Officier Public est devenu l’un des praticiens du droit le plus numériquement avancé. Il a été le premier à dresser ses actes authentiques sur support électronique.

Sa force a toujours été dans son anticipation. Dès les années 1996 et suivantes, le Conseil Supérieur du Notariat (CSN) suivait les travaux menés au niveau d’instances internationales, encourageant les échanges électroniques, grâce à des instruments de preuves incontestables. Une loi type internationale avait été adoptée le 16 décembre 1996. Une directive européenne en date de 13 décembre 1999 visait à créer un cadre communautaire pour les signatures électroniques. Et c’est alors que le Gouvernement français a souhaité l’intégrer dans son droit national. Son projet initial visait uniquement à doter les actes sous signatures privées de cette signature électronique. Le CSN parvint à conjuguer authenticité et nouvelles technologies dans la loi sur la preuve en date du 13 mars 2000.

Cette capacité à innover et à oser n’était pas sans rappeler les adaptations que la profession millénaire avait eu à réaliser, suite au développement d’abord de l’imprimerie et ensuite de la machine à écrire. Il avait même fallu une loi en 1926 pour autoriser l’impression des actes notariés par dactylographie.

Corrélativement, en cette fin des années 1990, se développaient les sites internet et la messagerie électronique. Les fournisseurs d’accès internet ne souhaitaient pas que se développent les noms de domaine, afin de capter le maximum de parts de marché. Le CSN décida d’ouvrir le nom de domaine : notaires.fr, afin qu’il soit utilisé par tous les notaires. En mars 1999, vingt seulement étaient titulaires d’une adresse, et deux mille au 31 décembre de la même année. Comme dans la discipline militaire, l’armée notariale était en ordre de marche pour s’adapter au changement de paradigme législatif qui s’annonçait pour les mois suivants.

Dès la promulgation de la loi du 13 mars 2000, instituant l’acte authentique électronique, des travaux technologiques colossaux ont été engagés pour mettre en œuvre le nouveau support autorisé par le législateur. Un décret en Conseil d’Etat était nécessaire, et l’infrastructure de sécurité devait être construite. Le décret fût publié le 10 août 2005, modifiant celui de 1971, relatif aux actes établis par les notaires. Et c’est en 2008 que fut signé le premier acte authentique électronique.

Les travaux techniques et juridiques ont été menés avec un soin absolu pour garantir l’intégrité et la confidentialité du contenu de l’acte, mais aussi l’interopérabilité avec ceux des autres notaires et des organismes auxquels ils doivent transmettre les données. Les règles d’instrumentation électronique étant fixée de telle sorte qu’elles ne différaient quasiment pas de l’établissement d’un acte sur support papier. Le principe de neutralité numérique avait été ainsi inventé avant l’heure ! La technique choisie pour la signature est un cryptage et une sécurisation par un code. S’agissant de la conservation de l’acte, la sagesse a consisté dans la création d’un Minutier central électronique des notaires (MICEN) établi et contrôlé par le CSN. Ce minutier central se présentant comme un immense « coffre-fort » organisé de telle sorte que la conservation de l’acte ait lieu dans les conditions de nature à en préserver l’intégrité et la lisibilité.

La Chancellerie et la doctrine ont été unanimes pour considérer l’absence totale d’influence du support électronique sur la notion d’authenticité. La dualité du support papier et numérique n’affecte en rien l’unité de définition de l’acte authentique. Qu’il instrumente sur une feuille de papier ou sur son ordinateur, le notaire procède toujours avec les mêmes solennités, sans aucune concession à ses obligations. Par son audace, le service public notarial de l’authenticité a ouvert la voie de la modernité numérique à d’autres actes publics, comme ceux de l’Etat-civil et les actes judiciaires. Il a doté l’acte authentique d’atouts supplémentaires de conservation, de circulation. Et diffusé en Europe et dans le monde les mérites de la foi publique dans l’univers numérique.

Les pouvoirs publics français font de la transition numérique le cœur de la stratégie de modernisation de notre Pays. Gageons que le Notariat saura répondre à leur attente, en proposant toujours les solutions les plus simples, les plus sages, les plus modernes, au meilleur rapport coût efficacité.

Oui l’univers numérique a besoin d’authenticité, de sécurité, de foi publique, de force probante, de confiance, de date certaine, d’empêcher les faux, et d’une force dotée d’une prérogative de puissance publique.

La fin de l’Odyssée numérique du Notariat n’est pas encore sonnée !