Au risque de me mettre tous mes amis à dos, je veux dire mon désaccord absolu sur l’absence de courage dont l’Europe fait preuve pour enfin prendre la mesure de l’enjeu de la lutte contre les effets mortifères des gaz à effet de serre.

C’est précisément, parce que nous voulons préserver notre économie et nos emplois que rien n’est plus urgent qu’oser trier parmi les activités, celles dont la modernisation permettrait de réduire nos émissions de dioxyde de carbone (CO2). Certaines industries, l’agriculture, l’habitat vont continuer inévitablement à émettre. Voilà pourquoi, nous ne devons pas tarder à changer d’urgence de paradigme pour l’automobile.

La presse nous rapporte que Bruxelles cèderait au lobby automobile. Comment comprendre ? Nous avons la chance d’avoir les constructeurs les plus puissants du monde. Leurs laboratoires de recherche et de développement détiennent des potentiels de progrès incommensurables. Allons-nous nous offrir le ridicule de les voir aller produire et vendre leurs modèles hybrides et électriques en Asie, en continuant ainsi à user jusqu’à la corde, en Europe, leurs chaines de production de diesel et d’essence ?

La ritournelle de devoir amortir d’abord leurs investissements en ce domaine nous est chantée depuis des décennies ! je l’entendais déjà quand j’étais rapporteur général du Budget, il y a plus de 20 ans, ça suffit !

L’approche française et européenne de l’automobile est devenue ridiculement désuète et ruineuse. Cessons de faire de cet engin un symbole d’une réussite sociale. Ce n’est qu’un objet pour nous déplacer. En détenir la propriété et l’usage exclusifs n’a plus aucun sens. C’est à l’économie collaborative de prendre le relais. Et le passage, au moteur électrique, en même temps s’impose. Rien ne sert d’attendre, sauf à vouloir précipiter notre dégringolade en 2ème division mondiale.

Nos constructeurs sauraient parfaitement s’adapter. Pour l’heure, ils n’y ont financièrement tout simplement pas intérêt, puisque nous ne leur disons pas clairement quel est notre choix. L’heure est grave, car les investissements en infrastructures pour les modèles électriques vont se faire en Asie. Bientôt il sera trop tard. L’Europe aura perdu la bataille pour des décennies.

Le corps politique est trop pusillanime à l’endroit de l’automobile. S’il osait imprimer une politique aussi volontariste que celle qu’il a menée contre le tabac, notre flotte serait au meilleur niveau mondial. Mais le courage et la volonté manquent. Pour comprendre, il suffit de connaître une légère insuffisance respiratoire ou de s’obliger un peu à la condition de piéton. Les villes, notamment les grandes, deviennent irrespirables, infranchissables. C’est la voiture qui détermine le partage de l’espace public. Progressivement, imperceptiblement, elle s’est imposée comme le facteur déterminant de l’organisation de la cité. Il n’a pas été nécessaire d’attendre l’intelligence artificielle pour découvrir l’objet qui dominerait l’homme. L’automobile l’a fait !

On nous annonce qu’elle deviendrait autonome. Qu’elle roulerait sans l’intervention humaine. De toutes mes forces, j’essaie généralement d’accueillir le progrès avec un esprit positif, mais, de grâce, ne cédons plus rien de plus à cet engin. Et empêchons-le d’utiliser de l’énergie fossile ou taxons-le autant qu’il faudra pour le ramener à sa condition initiale d’accessoire et non de principal de nos vies et de nos villes.

Je ne souscris en rien aux absolutismes des écologistes ultras, je souhaite simplement que nous redevenions maîtres de notre destin. Que nous prenions conscience que le réchauffement de notre planète privera nos enfants et petits-enfants des chances qui nous ont été offertes. Que la pollution va étouffer des vies humaines et peut-être la vie tout court.

L’Europe a été notre espoir, notre ligne d’horizon. Aujourd’hui, pour notre malheur, elle flirte avec la décadence. Elle s’isole. Se désintègre dans la peur. Elle vit dans sa bulle, se croyant encore le centre du monde. Elle refuse le risque. Pire elle le décourage. Sa démographie déclinante résume tout de sa résignation, et de son « arcboutisme » indécrottable. Sa jeunesse rêve d’un autre monde.

Mais rien n’est perdu. Il nous faut simplement nous obliger à un changement radical de comportement. Oser l’investissement. Serrer le fonctionnement. Partager l’usage de tous les biens pour en optimiser le rendement. Accueillir la modernité saine. S’imposer l’excellence. Et repartir avec cette excellence à la conquête du monde.

Et en voiture électrique 🙂 !!!

Voir article du journal Le Monde sur le sujet : http://www.lemonde.fr/planete/article/2017/11/09/nouvelles-normes-d-emissions-de-co2-bruxelles-cede-au-lobby-automobile_5212283_3244.html