Parmi les mensonges, il existe celui par omission. Le Gouvernement et la Commission des Finances du Sénat en ont donné, vendredi matin, un exemple navrant.

Un amendement leur était proposé pour traduire dans la langue et la monnaie des Français, un article dit « liminaire » totalement incompréhensible, inventé par des technocrates soi-disant pour informer la Nation sur la situation de ses comptes publics, mais exprimé de telle sorte qu’elle puisse n’y rien comprendre.

Des Sénateurs ont proposé, par amendement, de traduire en euros les chiffres exprimés en ratios de PIB.

Que croyez-vous qu’il arriva ? La Commission des Finances, dont j’imaginais la majorité dans l’opposition, par la voie de son rapporteur général, a demandé le retrait de l’amendement, sous un fallacieux prétexte aussi ridicule que faux. Ridicule, car en pareil cas, il est d’usage que la Commission demande l’avis du Gouvernement, afin de savoir si celui-ci reconnaît que la traduction de son charabia est fidèle ou pas à la réalité. En l’espèce, c’est le rapporteur général qui s’abaisse à faire le job du gouvernement. Insensé. Ridicule donc, mais faux de surcroît. Indiquer que certains chiffres ne correspondent pas à ceux du gouvernement, ne relève pas de l’avis de la commission mais du Gouvernement lui-même, lequel a d’ailleurs été beaucoup plus habile, en se limitant à répondre que de telles précisions auraient mieux leur place dans l’exposé des motifs. Ce qui était une manière de botter en touche. Mais il s’est bien gardé en revanche d’enrichir son exposé des motifs.

Pour ma part, je persiste à être indigné par ces petites séances de petits experts qui jouent avec le fruit du travail des Français, sans même s’en rendre compte. Pire, ils ignorent les règles les plus élémentaires de notre démocratie. Désormais, la matière budgétaire est fortement encadrée par les règles européennes qui agrègent l’ensemble des administrations publiques, en utilisant les concepts de la comptabilité nationale. Laquelle, contrairement à la comptabilité budgétaire, repose sur la notion de droits constatés. En refusant de nous donner une information accessible et compréhensible par tous, ce débat a manqué à la sincérité budgétaire. Au surplus, il se tenait, en même temps, à l’Assemblée Nationale l’examen de la loi de programmation qui cache tout autant les mêmes chiffres.

Puisqu’ils ne veulent pas vous les donner, je vais le faire, et je donne par avance rendez-vous sur tous les médias à ceux qui les mettront en question.

La loi de programmation des finances publiques qui adopte l’évolution des finances pour chacune des administrations publiques sur l’ensemble du quinquennat se traduit en milliards d’euros ainsi qu’il suit :

Prévisions pour les principaux agrégats de dépenses et de recettes par sous-secteurs (en Md€)

Voici mon analyse :

Le Gouvernement n’envisage pas de faire le moindre effort, sur la durée du quinquennat, pour son propre déficit, puisque la modeste réduction qu’il envisage est financée par une augmentation des recettes et donc des impôts. Il prévoit d’empocher, à l’horizon 2022, 45 milliards de plus et de continuer à dépenser 22 milliards de plus, la différence de 23 milliards constituant la réduction de son déficit. Donc un nouveau quinquennat pour rien du côté de l’Etat, en matière de redressement de ses finances

En maintenant son déficit en 2022 à un niveau élevé : 50 milliards, il compte sur les excédents des collectivités territoriales et de la sécurité sociale pour revenir proche de l’équilibre. Excédents totalement improbables du côté de la sécurité sociale et dévastateurs du côté des collectivités territoriales. Comment celles-ci pourraient-elles passer d’un excédent de 3 milliards aujourd’hui à 21 ou 22 dans 5 ans ? Sauf à verrouiller leurs dépenses, notamment d’investissement, tout en les obligeant à lever des impôts impopulaires ?

L’omission volontaire de donner toutes ces explications dans la langue et la monnaie des Français révèle une adhésion tacite à une injustice et une mauvaise action pour les territoires. A se cacher à soi-même la vérité. A renoncer au principe de sincérité budgétaire. A masquer son inconséquence en vague discours prétendument savant. La commission des finances du Sénat n’a pas fait son devoir d’information, d’éclaireur de la représentation des collectivités territoriales, donnant ainsi un vague sentiment de complicité. Est-ce un désir de plaire ? Bref, c’est une belle occasion manquée pour le Sénat de marquer sa mission de représentation des collectivités territoriales. Elle pourrait se rattraper demain pour la nouvelle lecture sur la loi de programmation.

Lire le compte rendu sommaire du débat.

 

Les choses ne semblent pas avoir beaucoup évolué depuis les années 2000