Le journal Ouest-France publie son enquête annuelle sur la démographie dans l’ouest de la France. Chaque fois, j’y découvre une analyse quantitative supposée traduire une aspiration profonde des populations à s’implanter à tel ou tel endroit du territoire.

Dans d’autres pages, on peut lire d’autres analyses sur les migrations de plus en plus importantes des populations mondiales. Migrations choisies. Subies ? On ne sait plus vraiment.

La démographie est une science très ancienne que l’on trouve dans la Grèce antique, chez les Romains, au Moyen-âge, de la Renaissance aux Lumières, sans oublier l’industrialisation et autres étapes de notre histoire.

En son temps, la Jeune Chambre Economique d’Alençon, il y a 40 ans, avait invité, pour une conférence qui connut un grand succès, Alfred Sauvy, l’un des Papes de cette science, pour nous en expliquer tous les aspects. Depuis ce jour-là, j’ai compris combien il était prudent de s’en remettre aux experts, pour en comprendre tous les mouvements au temps très, très, très long.

Pour ma part, je rêve depuis longtemps que notre département de l’Orne se fixe un objectif de 300.000 habitants à l’horizon 2030, ce qui supposerait d’accroitre notre population de 1.000 habitants par an, ce qui est beaucoup et peu à la fois. Peu, au moment où les mouvements migratoires sont considérables. Beaucoup, au sens où il ne suffit pas d’accueillir, ce qui aujourd’hui est plus simple, mais d’intégrer, ce qui est le plus compliqué.

S’agissant des deux éléments qui déterminent l’évolution démographique, l’excédent naturel, et le solde migratoire, les ressorts en sont parfaitement connus. S’agissant de l’excédent naturel, l’âge de la population est déterminant. Mais l’accueil aussi de la petite enfance. Nous ferions bien mieux de nous appliquer à accroitre l’offre d’accueil, plutôt qu’à légiférer et réglementer sur l’art et la manière d’accueillir les enfants. Je n’ai connu en la matière que des freins, jamais d’encouragements. Avec Jean Arthuis nous avons dû batailler pour imposer les maisons d’assistantes maternelles. S’agissant du solde migratoire, il est évident que l’enseignement supérieur joue un rôle décisif, dans la mesure où les jeunes entre 18 et 25 ans se rencontrent pour former des couples qui s’installent et se fixent assez durablement. Même si le phénomène tend à se modifier. Là encore, le modèle français de réserver l’enseignement supérieur aux grandes agglomérations est assez contestable. Si je prends l’exemple de Princeton aux USA qui a une Université de haut niveau mondial, la ville compte seulement 28.000 habitants. Cette ville est jumelée avec Colmar en France, c’est dire si elle ne se prend pas pour une grande capitale. Elle compte plus de 7.500 étudiants, dont les anciens sont des prix Nobel, des anciens Présidents des USA. Et il ne viendrait jamais à l’idée de personne de penser que Princeton est un trou perdu.

On voit bien que l’évolution démographique n’est pas seulement un sujet d’espoir ou de désespoir, c’est un sujet de volonté. Dans la durée ! Quel modèle de société souhaite-t-on imprimer sur un territoire ? Telle est la question ! Quel territoire ? S’agit-il de compter ville par ville, agglomération par agglomération, commune par commune, département par département ? Si l’on en fait un sujet de désespoir, il suffit de prendre la statistique la plus démoralisante, et attendons l’année suivante. Si l’on en fait un sujet de volonté, alors il faut se fixer des objectifs, de les expliciter, les inscrire dans la durée, répartir les tâches, clarifier les classes d’âge recherchées, se doter des équipements, des services. Cesser les contrôles pires qu’ailleurs. Stopper le sport favori de l’autodénigrement.

Bref, c’est croire dans le futur. En sachant qu’il se construit et non pas qu’il se subit !