« La comptabilité publique concerne 65 millions de français, elle mobilise une dizaine de milliers d’agents publics, elle intéresse une dizaine d’universitaires et vraisemblablement moins de parlementaires » et je ne parlerai pas des journalistes car j’y compte trop d’amis 😊

Ce constat malicieux d’un ancien secrétaire général du Conseil national de lacomptabilité exprime à la fois l’ambition et la limite de l’information financièrepublique : destinée au plus grand nombre, elle constitue une source d’informationfinancière totalement sous utilisée. D’où l’interrogation inévitable : pourquoi ? 

Le 1er motif évident est que les principes constitutionnels sont insuffisants et au surplus mal respectés. Insuffisants puisqu’ils n’obligent pas à rendre les comptes agrégés des administrations publiques, au sens de nos engagements européens, et qu’ils ne donnent pas, de ce fait, une image fidèle du résultat de leur gestion, de leur patrimoine et de leur situation financière. Mal respectés, parce qu’il n’existe aucun document lisible qui rende compte aux Français de leurs comptes.

Pourtant les articles 14 et 15 de la DDHC sont clairs :

Article 14 : “Tous les citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d’en suivre l’emploi, et d’en déterminer la quotité, l’assiette, le recouvrement et la durée. »

Article 15 : “La société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration.”

Tout comme le 2ème alinéa de l’article 47-2 de la Constitution : « Les comptes des administrations publiques sont réguliers et sincères. Ils donnent une image fidèle du résultat de leur gestion, de leur patrimoine et de leur situation financière. »

Je combattrai, jusqu’à mes dernières forces, pour que la transparence au niveau des APU et donc des comptes de l’ensemble des administrations publiques de la France fassent l’objet d’une présentation agrégée et d’un vote du Parlement, sauf à persister dans l’imposture, ce qui est forfaiture dans une démocratie.

Malgré cela, la publication, par l’INSEE, le 26 mars dernier des comptes de la France pour l’exercice 2019 n’a fait l’objet que de commentaires lacunaires dans la presse, parsemés de bons vieux ratios de PIB qui ne parlent à personne et qui permettent de faire baisser les mauvais chiffres et augmenter les bons.

Nous essaierons donc d’effectuer ce travail, en toute bienveillance, puisque l’épisode malheureux des gilets jaunes n’a pas facilité la tâche de l’Exécutif, et la Coronavirus rendra l’exercice 2020 encore plus périlleux.

Il est cependant intéressant de rappeler que ces comptes font l’objet de budgets prévisionnels sophistiqués, avec des appareils de prévision savants, ils constituent également le cœur de nos engagements européens, de sorte qu’il est intéressant de rappeler les prévisions, non pas pour les critiquer, mais pour s’interroger sur leur méthodologie et leur sincérité, et également sur leur variation par rapport aux résultats de l’exercice précédent.

Notre analyse des résultats des comptes publics de la France se résume de la manière suivante :

S’agissant du PIB, c’est-à-dire de la production nationale, il a progressé de + 73,0 milliards d’euros entre 2018 et 2019, c’est-à-dire moins que ce qu’espérait le gouvernement.

S’agissant des dépenses, elles ont augmenté, toutes APU, de +34,5 milliards d’euros entre 2018 et 2019.

S’agissant des recettes, elles ont progressé, toutes APU, de +15,2 milliards d’euros entre 2018 et 2019.

S’agissant du solde (ou déficit), il s’est dégradé, toutes APU, de +19,3 milliards d’euros entre 2018 et 2019.

Quant à la dette, elle s’est creusée, toutes APU, de +65,2 milliards d’euros entre 2018 et 2019.

Une difficulté subsiste dans la présentation des comptes avec le CICE parce que le transfert du CICE en allègement de charges implique, pour l’année 2019, un double versement en trésorerie en raison de la simultanéité du versement aux entreprises du CICE au titre des droits acquis précédemment, et de la première année d’application des allègements de cotisations sociales. L’Etat supporte donc en 2019 le coût de la créance du CICE des années antérieures, et le coût de compensation aux ASSO (sécurité sociale) par un transfert de TVA à hauteur de 20 milliards d’euros.

La morale de cet exercice est que :

c’est moins grave que ce que nous aurions pu craindre, avec les manifestations en tous genres que nous avons subies ;
que les recettes publiques, bien qu’en augmentation, en ont donc souffert, sans parler des baisses d’impôts financées à crédit ;
que les dépenses publiques non pas été maîtrisées au profit notamment d’une forte hausse des prestations sociales ; 
que le déficit se dégrade surtout du côté de l’Etat, sous l’effet du CICE, alors que les APUL (collectivités locales) sont presque à l’équilibre et que les ASSO (sécurité sociale) sont en excédent ;
que la dette continue de se creuser quasi exclusivement à cause de la dette d’Etat tandis que celle des ASSO est significativement en baisse, du fait notamment de la poursuite du désendettement de la Cades ;
que l’Etat emprunte 65 milliards pour financer son fonctionnement alors que les Français n’ont pu produire que 73 milliards de plus, sur la même durée, autant dire qu’il serait raisonnable de ne baisser les recettes qu’à concurrence de la baisse des dépenses, sauf à renvoyer la facture aux générations suivantes ;
qu’enfin il serait tant de stabiliser les dépenses en valeur (et non en volume) car l’effort ne serait que de 2,5 % et permettrait enfin de présenter aux Français des comptes qu’ils peuvent comprendre.

Le programme de stabilité s’annonce pour les semaines qui viennent, nous vous le présenterons de cette même manière avec des chiffres compréhensibles par tous.

N’hésitez pas à réagir en commentaires. Merci.