Les mots ne suffisent plus pour saluer les départs des amis, en ces temps de pandémie. Mais perdre Patrick Devedjian soulève en moi le désir irrésistible de parvenir à  trouver les mots justes pour exprimer toute l’affection et l’admiration que je lui portais. 

Son décès brutal met enfin en lumière, au moment même où elle s’éteint, la belle, la généreuse, la formidable personnalité qui était la sienne. 

Nous nous sommes vraiment connus en 2002, lors de notre entrée ensemble au Gouvernement. Nous étions de simples relations, nous sommes devenus des amis. Lors de nos nombreux têtes à têtes, j’ai vite mesuré la dimension supérieure de l’homme. D’une intelligence étincelante et sans chichis,  il analysait les situations comme un appareil d’IRM, offrant des vues en multiples dimensions de l’ensemble du tissu humain notamment politique. Il déchiffrait avec une apparente désinvolture, totalement simulée, les tréfonds de l’âme humaine. En particulier celle des puissants, et avec un humour réjouissant, parfois décapant. Il n’était pas obligatoirement populaire ou aimé, mais ce n’était pas son souci.

Patrick était un libéral non idéologue. Lucide et profondément humble au fond de lui-même. « Tout au long de ma vie d’élu, j’ai rencontré et écouté beaucoup de gens : j’ai toujours appris quelque chose, à commencer par les personnes les plus modestes. J’ai aussi retiré la conviction que la population comprend parfaitement ce que font ses gouvernants » écrivait-il dans L’Opinion, sous entendant que ce sont le plus souvent les gouvernants qui ne comprennent pas la population, et concluant sans concession sur les mauvaises méthodes des gouvernements qui minent le fonctionnement du pays.

Il était Européen, mais attentif à l’esprit des nations. J’ai le souvenir d’un voyage ministériel en commun auprès des autorités de Bruxelles pour revendiquer la libre administration de nos collectivités territoriales. J’entends encore sa parole précise, ciselée, pénétrante, et je revois le sourire malicieux qui la ponctuait souvent et forçait la sympathie.

Nous partagions les mêmes idées politiques. Nous avons ensemble soutenu Alain Juppé. Nous avons perdu, cela ne nous a pas fait changer d’avis.

D’autres que moi seront plus habilités pour illustrer l’empreinte qu’il laissera dans l’histoire. Je me limiterai à célébrer son extraordinaire fidélité en amitié dont il était l’exemple même. Outre des gestes personnels qui m’ont beaucoup touché dans certaines circonstances, je me souviens aussi de la peine sincère qu’il a éprouvée lors du décès Jean-Pierre Yvon, ancien Maire du L’Aigle, auquel un lien très fort l’unissait. Cette inébranlable fidélité en amitié, dans l’univers particulier de la politique qui ignore si souvent cette valeur inestimable, était sa marque.

Il me revient aussi ce moment magique d’un soir d’été, en juillet 2006, quand il vient en Alençon, avec Sophie, son épouse, pour le lancement de mon Club de réflexion « Courage et Convictions » dont la vocation était de rassembler toutes les personnes de bonne volonté, qu’elles appartiennent ou non à des formations politiques, partageant des valeurs communes. Il avait accepté de traiter du sujet le plus délicat, celui de l’immigration. Revendiquant ses origines arméniennes, il n’esquivait rien des détestations humaines, criminelles et dégradantes et prônait un équilibre socialement fondé sur un respect mutuel.

Ce jour -là, en toute simplicité, nous avions terminé la soirée, dehors, à la terrasse du Pouce sur la Place Poulet Malassis, dans la douceur de l’été et la chaleur de l’amitié. Ceux qui m’entouraient découvraient sa délicieuse personnalité, incroyablement cultivée, ouverte aux arts, à la culture, à l’histoire. Comme je l’écrivais dans un billet de blog ce soir-là, il faisait partie des rares personnes sur lesquelles on pouvait toujours compter, que vous soyez, selon la formule, « grands ou misérables ».

Il avait accordé à Xavier d’Adverbe (Un Ornais qui écrit juste et parle Net !) un entretien sur le thème « Oui à la fibre optique pour tous dans moins de cinq ans ». Sur ce sujet il faisait preuve d’un optimisme audacieux pour l’époque, et je suis fier que le Conseil Départemental de l’Orne continue de progresser vers cet objectif qui était un véritable défi à relever pour les présidences successives, unies vers le même but.

A l’époque j’avais écris Merci Patrick pour ta fidélité en actes !

Ce soir, j’ai trop de peine. Les Conseils départementaux perdent un grand Président qui faisait honneur à la fonction. Mais la France aussi perd un grand homme. Et on semble ne le découvrir que maintenant.

En route, pour négocier à Bruxelles.

Cause toujours 

Impassible

Aux questions d’actualités 

 

 

 

Avant le Conseil des Ministres