Je lis partout que la France et l’Europe seraient en train de périr à cause de l’austérité. Je ne sais plus ce que ce mot veut dire. Si austérité renvoie aux notions de sévérité, de dureté et de rigueur liées à un goût immodéré pour l’exactitude inflexible, je ne nous pense pas du tout atteints de ce mal. Tout simplement du contraire. Ne nous voilons pas la face, comme il s’agit d’économie et de finances, c’est la question des dépenses publiques qui est visée. En la matière, soyons précis. Ce qui s’apparenterait à de la sévérité, de la dureté, de la rigueur ou d’un réflexe d’inflexible exigence n’est que la triste issue d’un abus exagéré de laxisme en de nombreux domaines.

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Nous n’avons jamais respecté une seule fois depuis 1999, donc depuis 14 ans, le programme de stabilité qui est pourtant une promesse sur l’honneur de la France à ses partenaires monétaires.

Nous ne finançons plus depuis 35 ans notre modèle social.

Nous sommes perclus de dettes comme au sortir d’une guerre mondiale, sans la réconciliation qui généralement lui succède.

Nous n’avons jamais travaillé si peu longtemps dans l’année.

Nous sommes incapables d’assurer l’avenir des générations futures et nous ne faisons que découvrir le risque de non paiement de notre protection sociale comme une menace possible.

Plutôt que victimes de l’austérité, nous ne faisons que nous réveiller avec une douloureuse « gueule de bois ». Cette sensation inconfortable à la suite d’une consommation excessive de substances enivrantes. La bouche sèche, un mal-être, des nausées, un sentiment de faiblesse, de fatigue, des problèmes  de vigilance et de mémoire. Oui, c’est l’abus de dépenses publiques qui nous a privés de nos défenses naturelles. Nous cherchons les causes ailleurs parce qu’ayant trop entendu les mises en garde il serait humiliant maintenant de reconnaître que nous n’avons pas su les écouter.

Le débat s’oriente sur les victimes. Certes, comme pour la gueule de bois, ceux qui souffrent le plus sont effectivement ceux qui sont, au départ, en moins bonne santé.

Pour autant, l’expérience nous enseigne qu’après un petit temps de tempérance la forme revient. Evidemment, il existe toujours quelques sorciers qui proposent de reprendre un verre pour atténuer la douleur. Mais le meilleur remède restera toujours la prévention, aucune potion magique ne s’étant  montrée concluante jusqu’à présent. Pour la dépense publique, il en est de même. L’essentiel est dans son bon usage, dans la meilleure allocation des ressources afin que chaque euro dépensé puisse produire les meilleurs effets, en premier pour ceux qui en ont le plus besoin.

Pour l’instant les milliards d’euros déversés dans les systèmes publics n’évitent que la panne. Mais ils sont impuissants à relancer la machine, tant qu’une volonté collective des Peuples à s’en sortir ensemble ne sera pas réunie. L’encre des nouveaux billets est à peine sèche qu’ils s’envolent, et que la planche redémarre  pour en imprimer d’autres. Les riches se prêtent à eux-mêmes puisque l’accroissement de leur richesse partira en fumée d’impôts et de dépréciations de leurs actifs. Les pauvres s’empruntent à eux-mêmes puisque c’est la baisse de leurs prestations qui financera leurs impayés. Les classes moyennes découvrent qu’elles sont de plus en plus moyennes. Notre système est devenu comme un égout sans fond où les humeurs et les rancunes rampent et se tordent sous des montagnes de mensonges et de promesses intenables.

Mais il nous reste une solution. La plus simple et la plus humaine : nous serrer les coudes. Chacun contribuant à proportion de ses facultés respectives. Changer de paradigme pour remettre le système public en marche.

La nouvelle donne possible n’est pas pavée de larmes et de sang. Nous n’avons nul besoin de boucs-émissaires. Simplement de solidarité, de respect mutuel, d’envie d’un sursaut collectif.

Si déjà on essayait ?