Pour qu’une entreprise embauche, il est nécessaire que plusieurs conditions soient réunies. Tout d’abord, elle doit disposer d’un marché, c’est-à-dire d’une demande qui va garantir que la production trouvera preneur. C’est le fondement des politiques dites « keynésiennes » qui prônent en cas de chômage la stimulation des dépenses publiques et des salaires, susceptibles de relancer la demande. Ces politiques font « l’impasse » sur la deuxième condition : le coût du travail doit être acceptable en ne dépassant pas la productivité (c’est-à-dire la production mesurée par salarié ou par heure travaillée). Dit autrement, chaque travailleur doit au moins produire de quoi le rémunérer. Cette rémunération présente deux aspects : son salaire net, qu’il perçoit, et le salaire indirect, c’est-à-dire l’ensemble des charges sociales qui lui sera reversé sous forme de prestations sur d’autres critères que son travail. L’ensemble des charges sociales (parts salariée et employeur confondues) versées aujourd’hui équivalent au salaire net : chaque salarié ne perçoit que la moitié de ce que son employeur lui paie.

C’est ici qu’il faut rechercher l’absence d’efficacité des politiques keynésiennes en matière d’emploi, qu’il s’agisse de la relance conduite en 1981, des déficits publics depuis ou de la croissance quasi continue des dépenses publiques. Le chômage, quoiqu’on en dise, frappe d’abord les travailleurs à faible productivité. En assimilant niveau du diplôme détenu et ancienneté de l’expérience professionnelle à la productivité – ce qui mériterait certes de plus amples développements -, on constate que plus on est diplômé et expérimenté, moins on a la malchance d’être au chômage : en 2005, l’absence de diplôme et d’expérience conduit une fois sur deux au chômage alors que moins de 7% des détenteurs d’un diplôme supérieur au bac avec expérience connaissent cette situation. Le chômage structurel s’explique d’abord par un décalage entre le coût du travail et la productivité.

Admettons de ne pas toucher au SMIC qui, il est vrai, permet notamment de corriger les asymétries dans les relations entre employeurs et salariés. Mais l’autre composante du coût du travail ? Une étude de l’INSEE de 2002 montre que la réduction des charges sur le travail peu qualifié a un impact fort sur l’emploi, puisqu’elle estime à 460 000 le nombre d’emplois créés ou sauvés entre 1994 et 1997 à la suite des mesures prises en 93. Des Universitaires (Le Mans & Paris) estiment que la réduction de charges appliquées en 95 et 96 a permis de réduire le chômage des « non qualifiés » de 2 points. Ainsi, une bonne part des emplois dont la création été prêtée aux « 35 heures » s’explique simplement, selon l’OCDE, par les mesures d’accompagnement de réduction des charges (cf. mon billet d’avril sur les 35 heures »).

Soulignons également les effets « trompe l’oeil » de certaines mesures prétendument sociales. Le travailleur français a une des productivités horaires les plus élevées du monde. Il n’y a pas lieu de s’en réjouir, c’est en raison de l’élimination des travailleurs les moins productifs. Prenons à nouveau l’exemple des « 35 heures ». Réduisant la productivité des travailleurs, cette mesure aboutit à l’exclusion des moins qualifiés dont la productivité est devenue inférieure au coût du travail, augmentant par voie de conséquence la productivité moyenne des autres. Rappelons que, sur la période 1996 – 2002, le recul du chômage en France a été inférieur à la moyenne européenne.

Qu’on n’en conclue pas pour autant que la réduction massive des charges réglerait tous les problèmes. Cet effet s’estomperait fortement au fur et à mesure que le salaire descend sous la productivité, puisque cette dernière cesse alors d’être un facteur limitant. En clair, lorsque la productivité horaire est de 100, une réduction des charges permettant au salaire horaire de passer de 105 à 95 crée des emplois. En revanche, il n’y a que peu d’effet favorable à l’emploi si le salaire horaire passe de 95 à 85. Ceci dit, la marge de manoeuvre aujourd’hui semble importante, la France se situant très largement dans le 1er cas de figure. Dernier point : plus question d’accepter de déficit. Alléger les charges sur le travail moins qualifié induit à reporter une part de l’effort sur les autres (une part seulement car la réduction du chômage générera de nouvelles recettes). Est on prêt ?