Comme toutes les initiatives non conventionnelles, celle prise conjointement par Jean-Louis Borloo et François Bayrou fera l’objet de beaucoup de bruyantes critiques. Elles ne seront rien au regard d’innombrables espoirs silencieux qu’elle fera naître. Notamment chez ceux qui, faute d’alternative, finissaient pas céder secrètement aux illusions populistes.

Tant de Français n’en peuvent plus du dialogue de sourds entre le PS et l’UMP. Ils savent intuitivement que l’urgence et la dangerosité des problèmes appellent à dépasser leur horizon partisan pour ouvrir un périmètre de consensus dédié à l’intérêt supérieur du Pays. Aucun des deux partis ne semble prêt à s’y résoudre. Ils sont minés de l’intérieur par des querelles de chapelles indépassables. C’est ainsi quand on ne sait plus vivre qu’entre soi. Et qu’au fil du temps on perd le sens initial de son existence.

planbCe qu’il y a de rafraîchissant et de séduisant dans ce « plan B », c’est qu’il se libère, et nous libère en même temps, de cette loi irréfragable de la politique française qu’elle se résumerait à deux partis et deux partis seulement. Il est vrai qu’il n’y a constitutionnellement que deux candidats possibles au 2ème tour de la présidentielle. Mais la France n’est pas une monarchie scénarisée en séquences de cinq ans et réservée au monopole des deux acteurs principaux. D’autres idées, d’autres expériences, d’autres expérimentations méritent d’être exposées, débattues, honorées d’un débat démocratique serein et respectueux.

Attendons-nous cependant à un déluge de quolibets, caricatures, regards méprisants du clergé et des thuriféraires des deux grands partis, lesquels nous rappelleront aux règles les plus orthodoxes de pureté des seules idées voire des seules intentions autorisées et dont la non observance serait suspecte. Puis, il y a ceux qui pratiqueront la dérision. Les blasés de la politique, ceux qui sont revenus de tout et qui attendent, résignés, le chaos puisqu’il est annoncé.

Pour ma part, j’aime ceux qui osent le dépassement de soi. Ceux qui s’arment de forces mentales pour dépasser les limites conventionnelles qu’ils s’étaient fixées par confort ou par réflexe de survie. J’aime ceux qui osent interroger les fausses évidences trop souvent habillées d’intouchables reliques. J’aime ceux qui résistent. Qui acceptent d’entrer en compétition avec eux-mêmes, à la recherche sincère d’une autre lecture du monde. Dans cette compétition intime, il n’existe aucun vaincu, car la bataille ne se fait contre personne. Le dépassement de soi est une valeur qui peut inciter les autres à cheminer vers de nouvelles approches que leurs propres certitudes les empêche d’apercevoir. C’est ainsi que les personnes et les sociétés progressent. Vaincre nos habitudes et notre docilité à cette forme de conscience collective bien-pensante, telle est la nécessité dans laquelle nous sommes. Osons l’inconfort de la sortie des cavernes partisanes. Ne croyons pas ceux qui n’ont pour slogan que tout est impossible en dehors d’eux. Croyons au courage comme ultime chance de sauver la politique.

Même si comparaison n’est pas raison. Un certain 18 juin, un homme de 49 ans entrait dans une aventure impossible. Selon ses propres termes, il voulait « hisser le couleurs ». « Naufragé de la désolation », à mesure que s’envolaient les mots qu’il prononçait, il sentait en lui-même se terminer une vie devenue sans solution. Il entrait dans une aventure comme « un homme que le destin jetait hors de toutes les séries ». Il espérait disait-il que « cet appel porterait sur l’esprit français ».

Une figure comme la sienne nous manque aujourd’hui. Mes ses héritiers sont-ils exclusivement chez ceux qui s’en recommandent ?