J’apprécie Jean-Michel Baylet et me suis toujours bien entendu avec lui. Je l’ai confirmé dans le billet que j’ai posté sur ce blog le 10 mars dernier. Son interview dans Acteurs Publics est moins clémente à mon endroit. Sans doute n’aura-t-il pas reçu les bons renseignements de son entourage. Ce n’est pas grave. Expliquons-nous.

S’agissant d’une demande de recentralisation du RSA par l’ADF, il n’existe aucune délibération en ce sens. Ce qui a été demandé depuis le début, c’est la prise en charge par l’Etat des besoins de financement futur du RSA, puisqu’il en est le prescripteur. Cette prise en charge devant se faire à l’euro/l’euro sur la base de 2014, comme année de référence. Sous-entendu avec une facture restant ad vitam aeternam à la charge annuelle des départements d’un montant d’environ 3,3 milliards d’euros.

Il existe plusieurs voies pour parvenir à cet objectif. L’une d’entre elles est la recentralisation. Mais elle n’est pas la seule, et elle n’a jamais été particulièrement privilégiée par l’ADF. Et encore moins depuis que le Gouvernement envisage d’envoyer une facture de près de 5 milliards d’euros chaque année, sous forme de réduction de DGF (certains départements devraient même reverser de l’argent à cause d’une DGF négative), et l’introduction de critères contraignants supplémentaires. Autant dire le beurre, l’argent du beurre et le sourire de la crémière. Ce qui ne se pratique pas en Normandie. Le clou de la kermesse étant au surplus une menace de fusion de tous les minimas sociaux avec une contribution à la charge des départements. La proposition formulée par le Gouvernement consistait donc à dépouiller les départements d’un milliard et demi d’euros supplémentaires, de leur retirer la DGF, de leur imposer des critères plus contraignants et de les prévenir qu’il y aurait une nouvelle réforme des minimas sociaux à laquelle ils devraient contribuer.

S’agissant de ma décision de ne pas ouvrir de négociation sur cette base, je le confirme. Mieux, je m’en honore. Je n’avais, pas plus que la délégation qui m’accompagnait, aucun mandat pour discuter d’une potion aussi inacceptable. Engager des débats sur de telles bases, en contradiction totale avec le mandat qui nous avait été conféré aux termes d’une assemblée générale extraordinaire, aurait été un excès de pouvoir manifeste, risquant d’entraîner une rupture de confiance au sein de l’ADF.

S’agissant de la forme de cette proposition du Gouvernement, en contradiction totale avec les travaux menés depuis huit mois, elle sort au dernier moment comme d’un chapeau, sur table en séance, sans expertise préalable, par la remise d’un document avec invitation à réagir immédiatement. Les improvisations à un milliard et demi d’euros ne sont pas dans mon tempérament et je ne donnerai jamais à personne un blanc-seing sur un tel montant.

S’agissant de l’année de référence, le Gouvernement théorise qu’il s’agit toujours de l’année N-1. Rien n’est plus faux ! Je me demande quel technocrate de fortune a bien pu glisser cela dans l’oreille du Ministre. Le droit commun est au contraire que les compensations financières sont propres à chaque opération et fixées par la loi, au cas par cas. Il est parfois fait référence à la moyenne des trois dernières années précédant le transfert. L’article 72 de la Constitution prévoit plus prosaïquement que : « Tout transfert de compétences entre l’Etat et les collectivités territoriales s’accompagne de l’attribution de ressources équivalentes à celles qui étaient consacrées à leur exercice. »

S’agissant de la décentralisation du RMI, le tableau ci-dessous répond à tout. L’année où j’ai quitté le Gouvernement (2004), cette décentralisation était neutre pour les départements. Qu’on en juge. Le bilan du présent quinquennat mérite plus d’humilité que d’arrogance.

Voilà ma version. Je conserve à Jean-Michel Baylet toute mon amitié. Je lui confie simplement que les départements auront toujours une durée de vie supérieure à celle du Gouvernement. Et qu’il serait plus conforme à l’intérêt national de ne pas les ruiner, plutôt que vouloir sauver les apparences financières du Gouvernement, car le mal est déjà fait !

restes_a_charge_RSA

En 2004, année au cours de laquelle j’ai quitté le Gouvernement, le « reste à charge » des départements était de zéro. Je n’ai donc aucune leçon à recevoir du Gouvernement. En revanche, je constate que depuis 2012, les dépenses de RSA (courbe rouge) ont jailli et que le « reste à charge » (courbe noire) a explosé à la figure des départements et de leurs contribuables, les privant ainsi de services indispensables à leur territoire. Tout cela pour verser des allocations que le gouvernement n’a cessé d’augmenter, chaque année, puisqu’il ne paie pas. A noter que la compensation versée par le gouvernement est restée plane et que son taux de couverture de la dépense s’est effondré. Dans ces conditions, il est paradoxal qu’il veuille encore distribuer des leçons de morale aux départements. Alain LAMBERT