Au seul énoncé du mot « flexibilité », les partenaires sociaux sortent leur revolver, à croire qu’il ne s’agit que d’un terme élégant dissimulant en réalité l’activité favorite des entreprises : le licenciement. Cette vision, si particulière à la France, reflète une conception de l’emploi calquée sur l’organisation de la fonction publique, masquant un coût social élevé. Pourtant, la flexibilité, en soumettant les entreprises à une constante adaptation face aux évolutions les renforce, ce qui constitue le meilleur atout pour l’emploi.

Dans un monde sans cesse en mouvement du fait de la concurrence, des évolutions technologiques et des aspirations des individus à bénéficier d’un niveau de vie élevé, rester immobile condamne à la fragilisation et au risque de disparaître. Aussi, en permettant une juste adéquation des besoins aux ressources, la flexibilité, qui passe forcément par un assouplissement des règlementations, favorise l’émergence d’entreprises plus solides, ce qui est favorable à l’emploi. Bien évidemment, elle recouvre des réalités différentes, en termes d’organisation du travail, comme les horaires annualisés par exemple, ou en termes d’évolution géographique ou fonctionnelle. La flexibilité, c’est aussi une politique de formation tant au sein de l’entreprise qu’à l’extérieur, et à cet égard, la loi Fillon de 2004 représente une avancée considérable.
A l’inverse, une trop grande rigidité (qui ne concerne pas seulement la réglementation du travail) conduit à une société à deux vitesses (une société « duale »). En effet, les entreprises hésitent à s’engager dans des voies dont elles ne pourraient se sortir. Il est prouvé qu’une réglementation trop sévère conduit à ralentir les flux sur le marché du travail. De même, l’impossibilité d’optimiser le facteur « travail » conduit les entreprises à accélérer la substitution capital/travail en privilégiant l’investissement « de productivité » pour maîtriser leurs charges, accélérant l’élimination des postes les moins qualifiés. Au final, moins d’entrées sur le marché de l’emploi, certes, mais moins de sorties aussi. L’excès de protection freine l’emploi. Le chômage de longue durée s’accroît, enclenchant une trappe à exclusion qui frappe en priorité les travailleurs à moindre productivité, les primo-entrants (jeunes par exemple) mais aussi les salariés de PME … Les entreprises sont alors tentées par des méthodes de contournement (CDD), lesquelles relèvent le plus souvent d’une simple stratégie de survie. L’Etat lui-même ne donne-t-il pas l’exemple de ce contournement ? L’organisation de la fonction publique est sans doute le parangon de la rigidité, avec pour exemple des mutations fonctionnelles et géographiques très limitées et surtout très règlementées. Ainsi Claude Allègre relevait il en 2001 « trop de fonctionnaires dans certains secteurs et pas assez dans d’autres », avant de conclure qu’il fallait « modifier la répartition ». Malheureusement, il est impossible d’appliquer le principe des vases communicants. Aussi, pour donner un peu de souplesse, l’Etat emploie des contractuels (plus du quart des emplois publics), lesquels vivent avec une épée de Damoclès sur la tête. Le « risque zéro » n’existe pas, l’extrême sécurité des uns fait la précarité des autres.
De ce point de vue, le CPE permet de réduire – au moins pour le secteur privé – le contournement. Bien loin de conduire au chômage, la flexibilité permet aux entreprises d’être pleinement dynamiques, ce qui est une condition sine qua non pour réduire la précarité, s’inscrivant dans une relation « gagnant – gagnant ». Les organisations syndicales doivent y croire et devenir constructives pour le bien de leurs adhérents. Rôle plus difficile, en effet, que la simple revendication. Mais ca, au moins, c’est révolutionnaire !