Cette Note de la fondation Robert Schuman soulève l’épineux sujet de l’avenir de l’Union suite à l’échec émanant de la non ratification du traité établissant une constitution pour l’Europe. Il semble opportun de réfléchir à l’Europe que nous souhaitons réellement voir se dessiner dans un contexte mondial où de grandes puissances émergent et où il sera difficile d’exister indépendamment de l’Union.

Je vous invite à découvrir les pistes que nous livrent Hubert Heanel en s’efforçant de répondre à la question suivante : « Comment sortir de l’impasse née de l’insuccès de la ratification du traité constitutionnel ? »

« Vouloir obtenir, envers et contre tout, l’approbation du texte en l’état par les deux pays qui ont voté “non” et les sept pays qui ont interrompu le processus de ratification n’est guère réaliste. Chercher un accord sur un texte tronqué n’est pas une solution convaincante : le traité constitutionnel forme un tout, et chacune de ses parties – contrairement à une légende tenace – contient des dispositions importantes. Doit-on prendre son parti de la situation et tenter d’avancer à traité constant ? Les tentatives en ce sens depuis plus d’un an n’apparaissent pas concluantes. Et l’Europe ne doit pas rester sur un échec : c’est toute la dynamique engagée il y a un demi-siècle qui s’en trouverait atteinte.

Pour être crédible, une solution doit tenir compte du fait que les deux tiers des Etats membres ont approuvé le traité constitutionnel ; mais les préoccupations qui se sont exprimées lors des référendums en France et aux Pays–Bas ne peuvent pas non plus être ignorées. Il faut ainsi trouver une formule permettant à la fois de sauver la substance du traité constitutionnel et de montrer aux citoyens inquiets ou réticents qu’ils ont été entendus.

Jean Monnet conseillait, face à un blocage, de déplacer et recadrer le débat. Nous devons désormais adopter une nouvelle approche, qui soit plus “parlante” pour les citoyens. L’Union n’est pas la France de la IVe République, dont les institutions étaient tombées dans un tel discrédit que chacun comprenait que la priorité était de les changer. Des réformes institutionnelles sont certes nécessaires,mais ce sont les projets communs qui intéressent les citoyens européens et peuvent les réunir.

Les questions institutionnelles doivent donc être plus étroitement associées à la définition des objectifs précis à poursuivre. Sur certains points, une communauté d’objectifs est encore à créer entre Européens :quel doit être l’avenir du processus d’élargissement ? Quel degré de cohésion économique, sociale, territoriale faut-il souhaiter pour l’Union ? Comment concevoir les rapports entre identité européenne et identités nationales ? Sur de tels sujets, un débat préalable est impératif.

Cependant, sur certains objectifs correspondant à des attentes manifestes des citoyens, il existe d’ores et déjà un large consensus : améliorer la gouvernance économique et sociale, lutter plus efficacement contre la délinquance transfrontalière, renforcer l’action extérieure de l’Union, clarifier les responsabilités entre l’Union et les Etats membres…

Or, et c’est là le point essentiel, le traité constitutionnel contenait de nombreuses dispositions permettant de mieux répondre à ces objectifs. Ces dispositions pourraient être reprises dans un traité intermédiaire, sous une nouvelle présentation où elles apparaîtraient clairement comme des moyens indispensables pour réaliser des objectifs qui recueillent un consensus. La plupart des avancées du traité constitutionnel pourraient être conservées sous cet angle,éventuellement adaptées ou complétées sur les points où, compte tenu des débats de ratification, il apparaît actuellement nécessaire d’aller plus loin pour mieux répondre aux attentes des citoyens.

Un traité intermédiaire, ainsi conçu, permettrait une relance rapide de la construction européenne autour d’un petit nombre d’objectifs consensuels.

La seconde étape serait, à l’issue d’un débat public approfondi sur les objectifs de la construction européenne – qui pourrait être mené au sein d’une nouvelle Convention –, l’adoption d’un traité fondamental où les aspects du traité constitutionnel provisoirement laissés de côté seraient repris à leur tour dans un cadre plus large. »