Après les mois agités que nous venons de vivre, je vous propose de nous intéresser à des thèmes toujours économiques mais peut être plus « basiques » en nous penchant sur des sujets quotidiens. Ainsi, en est il de « l’indice des prix », calculé mensuellement par l’INSEE, et qui sert tantôt de référence, tantôt d’exutoire à certains mécontentements. Quel crédit lui accorder ?

Un indice est une valeur qui sert à mesurer des évolutions. Si le chiffre d’affaires d’une entreprise est de 1 millions d’euro une année et 1,1 millions l’année suivante, on peut retracer l’évolution en disant que cette grandeur est passée de l’indice 100 à l’indice 110. On gagne ainsi en lisibilité, notamment lorsqu’il s’agit d’établir des comparaisons dans le temps ou entre entreprises. C’est à cet exercice que se livre l’INSEE lorsqu’il mesure l’évolution des prix à la consommation, c’est-à-dire ceux des biens et services tels que nous les payons lors de l’achat. La difficulté vient de ce qu’il existe un très grand nombre de biens et services et donc de prix. Aussi, a-t-il fallu construire un indice synthétique. L’INSEE depuis 1998 retient 303 produits auxquels il affecte une pondération, qui représente la consommation du ménage moyen français. Il s’agit là déjà d’une première cause d’achoppement, car chaque ménage diffère (ou pense différer) de la moyenne. Ainsi, l’alimentation représente 16,3 % du panier moyen et la culture (et loisir) 8,6 %. Un ménage d’ascètes ne s’y retrouvera pas si sa consommation se répartit selon des valeurs totalement inversées. La CGT depuis des lustres publie son propre indice, avec les conclusions qu’on devine. Partant du constat que la structure de la consommation diffère selon les revenus, la CFDT a demandé à la fin 2006 que l’on établisse un indice par tranche de revenu. L’idée n’est pas absurde, mais c’est au risque de perdre une mesure de l’inflation comparable dans le temps. C’est cependant pour cette raison que l’INSEE publie également un indice des « ménages modestes ».

Deuxième spécificité : l’indice INSEE exclut délibérément certains postes de consommation, tels que le tabac et les jeux de hasard. Un consommateur cédant ainsi à ces addictions différera donc de la « moyenne ». Au demeurant, personne n’est empêché de construire son propre indice et l’Institut de la Statistique met à la disposition des internautes un site lui permettant de simuler un indice (www.insee.fr/fr/indicateur/indic_cons/indic_sip.htm).

Troisième particularité : comme tout indicateur de mesure, il doit être pris avec la prudence qui s’impose. Considérons le cas d’un ménage dont la consommation au 1er janvier se répartirait entre 4 produits A pour 10 %, B pour 20 %, C pour 30 % et D pour 40 %. Au 31 décembre, la répartition est totalement inversée : A représente 40 %, B 30 %, C 20 % et D 10 %. Voilà un changement pour le moins radical qui va permettre d’illustrer la démonstration. Posons que le prix de A a baissé de 20 %, que ceux de B et C n’ont pas bougé et que celui de D a augmenté de 20 %. Si l’indice des prix est calculé en conservant les pondérations de début d’année, la conclusion est que les prix ont augmenté de 6 %. A l’inverse, si ce sont les pondérations de fin d’année qui sont retenues, on relève alors une baisse des prix de 6 % (les techniciens reconnaîtront les indices dits de « Laspeyre », retenu par l’INSEE, et de « Paasche ») ! La raison tient dans le fait que, pour le premier cas, la baisse de prix porte sur le produit à faible pondération et la hausse sur celui à forte pondération, tandis que dans le deuxième cas, c’est exactement l’inverse. Qu’en conclure ? Ce n’est pas une « manipulation », mais simplement la limite d’un outil mathématique. Toutefois, il convient de préciser que ce biais est d’autant plus faible que le nombre de postes entrant dans l’indice est grand et que, donc, la pondération de chacun est réduite.