Avec la chute du Mur de Berlin en 1989, la problématique de la Défense tant nationale qu’européenne a changé du tout au tout. Finie, la menace à l’Est ; exit, les craintes de batailles frontales, masses armées contre masses armées. Bref, c’est l’organisation de notre système militaire qui a du être revue. Et le contingent a laissé la place aux réservistes. Voici donc un bref aperçu sur un changement fondamental.

Avec la Révolution Française, est né le principe d’une armée émanation de la Nation, ce qui va se traduire par la généralisation de la conscription : c’est la loi Jourdan de septembre 1798. Dans les guerres du XIXeme siècle, jusqu’à la Première Guerre Mondiale, le nombre confère un avantage certain et la France a longtemps été le pays le plus peuplé. Pourtant, en 1934, Charles de Gaulle constate dans « vers l’armée de métier » la montée en puissance des « techniciens », qu’il voit en charge des unités blindées et de l’aviation. Mais le principe de la conscription demeure et en 1981, la Gauche, bien que traversée par des courants pacifistes pas toujours indépendants, le rappelera. Pourtant, les critiques se sont multipliées : à quoi sert-il d’appeler sous les drapeaux des jeunes qui ne peuvent être employés sauf exception à des tâches vraiment militaires ? Où est l’égalité quand une très forte proportion des appelés – on parle d’un tiers – échappe au service national ? De plus, loin de rapprocher l’Armée et le pays, une période militaire obligatoire n’est pas ressentie comme servir le pays, mais comme une contrainte, d’autant plus refusée qu’elle est jugée inutile …

En outre, la chute de l’URSS a conduit la Communauté Européenne à revoir ses principes de défense, intégrant les « missions de Petersberg » dans le Traité d’Amsterdam de 1997. Ces missions, définies en 1992 – dans la ville de Petersberg, en Allemagne – par l’Assemblée de l’Union de l’Europe Occidentale, organisme européen (élargi) dédié aux questions de défense et de sécurité, prévoient que les unités militaires peuvent être utilisées pour des missions « humanitaires ou de maintien de la paix ou de forces de combat, y compris pour le rétablissement de la paix ». Quoiqu’il en soit, les métiers militaires sont devenus des métiers de spécialistes, et exigent un entraînement de tous les instants : moins que le nombre, le succès de ces missions repose sur une qualité de préparation difficilement concevable avec un contingent démotivé voire inemployable. Aussi, face à de telles évolutions, le service national a été suspendu en 2000 (et non pas supprimé).

Est-ce dire que la Défense Nationale n’est désormais plus l’affaire que d’un cénacle restreint ? Certes pas ! La sécurité du pays reste l’affaire de chaque citoyen, ce que rappelle la loi du 22 octobre 1999 modifiée par celle du 18 avril 2006. Désormais, notre système de défense s’appuie sur un recours accru aux réservistes. Comme l’affirme les premières lignes de la loi, « les citoyens concourent à la défense de la nation. Ce devoir peut s’exercer par une participation à des activités militaires dans la réserve ». La loi de programmation militaire fixe à 94 000 le nombre de militaires réservistes opérationnels pour 2008, utilisés 27 jours par an en moyenne. Ces réservistes opérationnels, issus du civil, viennent renforcer les unités en cas de besoin (comme pour le plan Vigipirate). Ce sont de véritables militaires, à temps partiel, mais devant remplir les mêmes conditions de compétences et d’aptitudes. Pour exemple, la Gendarmerie prévoit à terme employer 40 000 réservistes, à rapprocher d’un chiffre de 100 000 personnels aujourd’hui. Autrement dit, un « soldat de la loi » sur 3 ou 4 surveillant les routes sera un réserviste ! Ces derniers, qu’ils soient des « disponibles », c’est-à-dire des anciens de l’Institution, ou des volontaires, n’en sont pas moins des militaires de la Gendarmerie, soumis aux obligations et devoirs imposables à tous les gendarmes !

L’autre composante de la réserve militaire, c’est la réserve citoyenne. Curieuse chose : les réservistes citoyens font partie de l’Armée, sans mission militaire ; un grade leur est attribué, sans exercer de commandement ; ils sont au service d’une Arme, sans porter d’uniforme … En fait, ils apportent à la Défense une compétence, un savoir faire, un réseau de relations ou simplement la volonté de réaliser quelque chose au profit des Armées ! Il leur faut être agréés par l’autorité militaire, sur la base d’un projet. Sans nul doute que la réserve citoyenne doit trouver sa place, mais sans nul doute qu’elle peut aussi beaucoup apporter. La loi de 99 lui confère une large latitude, puisqu’elle « a pour objet d’entretenir l’esprit de défense et de renforcer le lien entre la Nation et ses forces armées ». Selon des chiffres donnés par le Conseil Supérieur de la Réserve Militaire, les réservistes citoyens seraient au nombre de 13 000 dont environ 2 000 issus de la « société civile ».

« Ne vous demandez pas ce que votre pays peut faire pour vous, demandez vous ce que vous pouvez faire pour votre pays ». Le choix fait par les réservistes illustre bien cet aphorisme de John Fitzgerald Kennedy. Leur engagement au service de la Collectivité, qui est de tous les instants, rejoint celui de tous les Français qui ne souhaitent une relation d’Etat à citoyens à sens unique.