Les chiffres de la dette publique au 31 décembre 2007 sont désormais connus : avec plus de 1200 milliards d’euros, il n’y a pas de quoi pavoiser ! Est ce vraiment une surprise ? Il n’est que de relire mon billet du 30 décembre dans lequel j’expliquais les causes : malthusianisme et corporatisme. A ces maux structurels, s’en ajoute désormais un nouveau : depuis 2004, les finances locales se dégradent et corrélativement l’endettement des Collectivités locales augmente sur un rythme jamais rencontré auparavant. Il reste que l’accroissement de la dette et le déficit sont les facettes d’un même fait : la dépense publique est de moins en moins au service de l’intérêt général, aussi le recours à la dette n’est là que pour en éviter tant bien que mal les conséquences sociales douloureuses. De fait, on relève de plus en plus fortement aujourd’hui que la « mauvaise dépense publique chasse la bonne ». La France, qui a un niveau de prélèvement obligatoire et de dépenses publiques parmi les plus élevés du monde est ainsi incapable de lutter contre la pauvreté.

Le Premier Ministre de l’époque, Monsieur de Villepin, s’en était félicité à la fin de l’année 2006. La croissance de la dette publique semblait endiguée. Hélas ! Il ne s’agissait pas d’un mouvement de fond mais d’un simple habillage : L’Etat avait utilisé d’une part des excédents de trésorerie en fin d’année pour rembourser des emprunts au 31 décembre et d’autre part avait affecté le produit des privatisations au financement des déficits, à l’instar de ces vieilles duchesses qui vendent les bijoux de famille pour garder l’illusion de leur splendeur passée. Soyons francs ! On a quelque peu réitéré ces opérations cache-misère, notamment avec 3 milliards issus de vente de titres EDF. Au final, le déficit public – c’est à dire pêle-mêle Etat, Sécurité Sociale, Collectivités locales – représente 2,7 % du PIB, plutôt dans la moyenne des déficits annuels de ces dernières années (ce qui n’est pas à considérer pour autant comme une bonne nouvelle) et donc, par voie de conséquence, la croissance de la dette a repris en 2007, pour dépasser les 1200 milliards d’euros (1209 exactement), soit 60 milliards de plus en un an, pour atteindre 64 % du PIB.

L’Etat avec 41 milliards de déficit (930 milliards de dette, 1027 en incluant les « organismes divers ») est aussi dans la tendance de ces dernières années. Certes, ce déficit s’est accru en 2007 par rapport à 2006, mais sans rien d’exceptionnel (ce qui n’est pas plus rassurant pour autant). En revanche, la situation des Collectivités locales se dégrade fortement : elles étaient excédentaires jusqu’en 2003. A compter de 2004, elles deviennent déficitaires et ce, de plus en plus : -0,1 % du PIB en 2004 ; – 0,2 % en 2006 ; – 0,4 % en 2007 … Sans encore atteindre des niveaux alarmants en part de PIB (7,2 % ; on a connu davantage), la dette locale croit de 7 à 8 milliards chaque année. Du jamais vu, qui pourrait annoncer des lendemains qui vont déchanter, d’autant qu’en l’absence de réforme de fonds, les finances locales vont dans les 7 ans qui viennent prendre de plein fouet le financement des retraites des fonctionnaires territoriaux embauchés ces dernières décennies. Bref, comme l’habitude en est prise, ce sont les contribuables – ou la dette, mais pour combien de temps – qui vont régler le déficit des retraites publiques locales caractérisées par de faibles cotisations et de fortes prestations. Par ailleurs, la fonction publique territoriale est aujourd’hui le principal moteur de la croissance du nombre de fonctionnaires en France. Les transferts de compétences n’expliquent pas tout, d’autant qu’on ne retrouve pas du coté de l’Etat la diminution d’emplois publics a due concurrence. Au final, le nombre total de fonctionnaires s’accroît globalement de 1,4 % par an, celui des fonctionnaires territoriaux de 2,5 %.

Les raisons structurelles de la dette et du déficit sont toujours les mêmes. Elles s’appellent « corporatisme » et son corollaire le « malthusianisme » : monopoles publics, restrictions de toute nature à la concurrence, systèmes de retraites totalement déphasés avec les réalités démographiques et profondément inégalitaires, manque de flexibilité interne dans le secteur public qui conduit à pérenniser des structures inefficaces ou devenues inutiles, voire périmètre public défini en fonction de critères idéologiques, non en fonction de l’efficacité et de l’intérêt général … La dette est le moyen de différer le recours à une fiscalité, qui ne pourra être que généralisée, destructrice d’emplois et de niveau de vie, quand par ailleurs dans le même temps existent des contraintes fortes sur le temps de travail. Etrange paradoxe d’un pays où les dépenses publiques s’accroissent et où le temps de travail qui devrait contribuer à les financer se réduit. Au final, réduire le déficit, c’est s’attaquer à la dépense inefficace !

Car on voit de plus en plus la dépense publique perdre en efficacité : la France préfère payer des retraites ou maintenir des structures publiques archaïques plutôt que d’investir dans ses universités ou dans ses entreprises – malheureusement à la profitabilité trop faible – ou encore dans sa protection sociale. Y-a-t-il pourtant photo entre les systèmes de retraite de la SNCF ou d’EDF et le Revenu de Solidarité Active de Martin Hirsch ?

A.B. Galiani.