On la croyait vaincue. Il n’en est rien : l’inflation revient et, à nouveau, les prix s’envolent. Ainsi, nous étions dans la zone euro à 3,6 % d’augmentation sur un an en mars dernier. Le léger recul à 3,3 % (sur un an) en avril n’apporte qu’une piètre satisfaction. Que se passe-t-il ? La Banque Centrale Européenne mène-t-elle une politique qui s’avèrerait inefficace ? Mais s’agit il bien d’inflation ? Pas si sur … Cette hausse des prix est d’abord le signe extérieur d’une redistribution des richesses d’ampleur mondiale.

Toutes les hausses de prix ne sont pas de l’inflation ! En effet, l’inflation est un phénomène durable, auto-entretenu et imputable à une création monétaire excessive : quand les ménages disposent d’une masse de liquidité qui croit plus vite que la quantité de biens et services disponibles qu’ils peuvent acquérir, l’ajustement se fait par la hausse des prix. Le rôle premier de la Banque Centrale Européenne est de maintenir l’inflation dans les alentours de 2%. Or, cette valeur est désormais allègrement dépassée. Faut il alors remettre en cause l’action de la Banque Centrale ? Non, car ces hausses de prix viennent du renchérissement des matières premières. Il n’y a pas de phénomène auto-entrenu et donc durable, simplement un mécanisme qui cessera lorsque ces produits auront atteint un prix d’équilibre entre offre et demande. La vie sera alors devenue plus chère. Loin d’être inefficace, la BCE veille à ce que ce mouvement ne dégénère pas en inflation véritable, par multiplication du signe monétaire donnant l’illusion d’une richesse factice. Il lui faut également prévenir les « anticipations inflationistes ».

La cause ? Certes, il y a le cartel du pétrole qui joue avec les robinets. Mais, la responsabilité fondamentale en revient à la mondialisation, pour des raisons qui sont radicalement différentes des explications catastrophiques habituellement données par les ultra conservateurs : la mondialisation a permis à d’importantes populations de sortir de la pauvreté. Je rejoins en cela l’approche de Jacques Marseille qui constate qu’en Chine et en Inde, ce sont 500 millions de personnes formant les classes moyennes qui sont en train d’accéder à un niveau de vie supérieur. Et c’est vrai dans d’autres pays du « tiers monde » aux populations de moindre taille. Cela crée des tensions de toutes natures et de nombreux déséquilibres – mais marcher n’est il pas faire appel à une succession de déséquilibres pour avancer ? Et ce nombre ne cesse d’augmenter. Bref ! La demande de matières premières croit très rapidement, beaucoup plus rapidement que l’offre. Ce n’est donc sûrement pas fini. Et l’ajustement se fait par les prix.

Il faut bien comprendre que les prix sont des éléments d’information auxquels réagissent les agents économiques et notamment les entreprises. Une hausse de prix, dans ces conditions, signifie à la fois un manque de production et une opportunité de gain. Y répondre, c’est en bénéficier tout en modulant l’envolée des cours ; c’est ce qui s’appelle la « régulation ». Ce mécanisme peut néanmoins être de grande ampleur et toucher des domaines a priori pas concernés. Ainsi des productions agricoles sont mobilisées pour être reconverties, en bio-carburant par exemple. C’est de cette façon que la hausse des prix se transmet à d’autres produits. Au final, l’envolée des prix du pétrole est atténuée par un renchérissement des denrées agricoles. Derrière, d’importants mécanismes d’adaptation se mettent en oeuvre, comme par exemple, l’élaboration de nouvelles semences adaptées, l’exploitation de nouvelles sources d’énergie … Cela demande toutefois du temps.

Pour les pays développés, les cours en hausse signifient un transfert de richesses vers les producteurs de matières premières. Dit d’une autre manière, une partie plus importante des richesses produites à l’intérieur du pays se trouve ainsi utilisée pour seulement acquérir la même quantité d’importation. La hausse des cours des matières premières tire donc le pouvoir d’achat vers le bas. Dans le cas de la France, un second phénomène vient se greffer : la faiblesse de la concurrence joue un rôle de « facilitateur » des hausses de prix. Les lois Royer et Galland censées protéger le petit commerce (au demeurant incapable de s’organiser pour réduire ses coûts) a profité largement aux grandes surfaces, EDF a largement surfacturé son kilowatt nucléaire …

La solution passe par les gains de productivité dont l’expérience établit qu’ils sont stimulés par la concurrence. L’alternative se ramène à 2 choix : soit la poursuite de l’actuelle logique malthusienne pénalisant le travail et l’investissement, dont les conséquences sociales douloureuses sont actuellement quelques peu différées par un recours à l’endettement public ; soit on favorise les investissements privés et publics ainsi que l’augmentation de la productivité globale par actif. Autrement dit, c’est peut être la fin des « 35 heures » pour maintenir le pouvoir d’achat, a fortiori l’accroître, quand les prélèvements pour l’extérieur augmentent.

A.B. Galiani