Voici le portrait d’Alain Lambert dressé par Célie Rouden dans l’édition du 1er octobre du journal La Croix.

La Croix, no. 38171 France, mercredi, 1 octobre 2008, p. 11

Portrait. Candidat « libre » à la présidence du Sénat. Alain Lambert. Sénateur de l’Orne.

C’est aujourd’hui, à l’ouverture de la session, que les sénateurs doivent procéder à l’élection de leur président. Favori, le candidat désigné par l’UMP, Gérard Larcher, sera opposé au candidat présenté par le PS, Jean-Pierre Bel, mais il doit aussi affronter la concurrence, dans son propre camp, du sénateur de l’Orne, Alain Lambert, qui a refusé de se soumettre à la primaire organisée au sein de son groupe. À 62 ans, ce fidèle de Nicolas Sarkozy, ancien ministre du budget, se veut le candidat de « l’indépendance » et des « valeurs ».

« Tu m’emmerdes, Alain ! » Ses conversations avec le président de la République se terminent invariablement par la même sentence. Et des engueulades de la part du chef de l’État, Alain Lambert en a déjà plusieurs à son actif. Depuis quelques mois, le sénateur de l’Orne n’a pas hésité à faire valoir ses désaccords avec la politique conduite par le chef de l’État, critiquant le financement du RSA ou s’opposant à la révision constitutionnelle avant,finalement, de s’y rallier. « Je ne comprends plus rien à l’action de l’homme que j’ai connu, aimé, soutenu et recommandé », confiait-il sur son blog le 28 juin dernier.

Certains y ont vu du dépit de la part de ce fidèle de Nicolas Sarkozy. Lui s’en moque. « Je ne suis pas amoureux de lui », rétorque-t-il. Alain Lambert assume d’autant mieux son statut de « poil à gratter » de la majorité que son affection pour le chef de l’État reste « intacte ». Et qu’il se targue d’être le seul à lui tenir le langage de la vérité. Pas étonnant, dans ces conditions, que l’ancien ministre du budget ait décidé de se présenter à la présidence du Sénat face au candidat estampillé UMP.

Une façon, bien sûr, de défendre ses valeurs, celles de son ancienne famille politique, l’UDF, puisées dans le christianisme social. « Il n’est pas normal que tous les leviers de pouvoir se retrouvent entre les mêmes mains », a-t-il justifié, évoquant l’origine RPR de Gérard Larcher. Mais, surtout, une volonté de faire du Sénat la chambre de l’indépendance vis-à-vis du pouvoir exécutif. De ce point de vue, l’ancien maire d’Alençon pense avoir certains atouts. « Je n’ai jamais craint d’être isolé quand j’ai défendu certaines positions, même si je me suis parfois senti un peu seul, explique-t-il. Je n’ai guère entendu Gérard Larcher ferrailler avec le chef de l’État. »

Et comme pour prouver qu’il est prêt à aller jusqu’au bout de sa logique, ce partisan d’une stricte orthodoxie budgétaire s’est engagé, s’il est élu, à refuser toute loi qui reculerait l’échéance d’un retour à l’équilibre des comptes publics en 2012. De quoi préoccuper l’Élysée, même si ses chances de l’emporter restent minces. Personne, cette fois, n’aurait tenté de le dissuader. « Ils savent à quoi s’en tenir », s’amuse-t-il. Car Alain Lambert n’en est pas à son coup d’essai. En 2004, candidat face à Christian Poncelet, il s’était vu proposer des présidences de commission en échange de son désistement. Il avait refusé et avait dû s’incliner.

Sous ses allures de notaire de province, ce qu’il est dans la réalité, Alain Lambert est un iconoclaste. Ministre du budget, il s’amusait à photographier ses collègues du gouvernement à leur insu. Et son blog – l’un des premiers tenus par un homme politique – raconte les coulisses du pouvoir. Il y défraie régulièrement la chronique, s’assurant ainsi une notoriété plutôt flatteuse. Lui revendique haut et fort cette liberté de ton et entend défendre « une certaine éthique en politique ».

Céline ROUDEN