L’actualité et la confrérie des chefs d’Etats et de gouvernements, ces semaines passées, nous ont irradiés de considérations, toutes plus morales les unes que les autres, sur les paradis fiscaux. Sans bien nous dire d’ailleurs ce que ce vocable pouvait bien recouvrir ! Or, lorsqu’on parle de ce genre de paradis, il faut entendre « fiscaux » mais également « sociaux », « législatifs et réglementaires » et « judiciaires » ! Une variante de ces paradis étant les centres dits « offshore » (Jersey – Iles Vierges).
Evidemment, en bons citoyens, soulagés de pouvoir enfin démontrer la cupidité sordide de milliardaires voyous, nous n’imaginons pas un instant que les Etats sont les premiers complices de ce genre de « paradis ». Qu’ils en sont eux-mêmes, qu’ils en créent, qu’ils les utilisent voire qu’ils les nourrissent par des attitudes irresponsables.

Ainsi chacun sait-il que le Royaume Uni a fondé une partie de sa prospérité économique sur une industrie financière, souvent localisée dans ce type de territoires ? Que les Etats-Unis ont avec l’Etat du Delaware une plate-forme commode pour certaines opérations. Que la Suisse, le Liechtenstein et bien d’autres destinations sont réservées à un tourisme spécifique. Je ne parle pas de la Russie qui, depuis des siècles, a ses propres méthodes.
Quels Etats auront, les premiers, la sincérité de nous révéler la raison sociale, le siège et les actions de sociétés détenues par eux dans ces paradis fiscaux ? Même notre sentencieux pays, et sous tous les gouvernements, n’a pas échappé à ces inévitables acrobaties. Il serait intéressant de savoir si cette pratique a cessé et depuis quand ?
Enfin, et sans doute le plus grave, et sous la pression conjointe des Etats-Unis et de la Commission Européenne, les pays développés ont tous totalement confondu libéralisation et dérégulation. La libéralisation des activités de marché était inévitable, et sans doute souhaitable, pour sortir de l’économie étatique administrée, en raison de la globalisation des échanges. Mais précisément, cette libéralisation devait s’accompagner d’un appareil de régulation fort, reconnu et respecté. Et que veut dire « régulation » sinon l’affirmation de « l’Autorité publique » sanctifiant les règles de marché et veillant à leur respect et à leur exécution. On a fait tout le contraire. La simple évocation de « l’Autorité Publique » créait une crise d’urticaire à tout fonctionnaire européen, relevait d’une langue étrangère pour un politicien anglo-américain et suscitait la risée condescendante dans les déjeuners de banquiers. Pourtant, le retour de la confiance, le rétablissement d’un nouvel ordre mondial requiert, non pas le retour de l’Etat kafkaïen et bureaucratique, mais le retour de « l’Autorité Publique » régalienne ou partagée mais dont aucune force ne saurait contrarier les prérogatives de puissance.
C’est simple. Cela ne coûte rien. Encore faut-il avoir les idées claires et la volonté de les appliquer. C’est, en tous cas, le seul moyen de sortir de l’enfer, l’économie mondiale.