Non le mille-feuille territorial n’est pas fatal. A condition de laisser vivre l’innovation territoriale. Et permettre à chaque territoire de choisir la formule d’association correspondant a sa configuration propre et à ses choix.

Depuis des décennies, il est obstinément recherché à marier horizontalement, et contre leurs grés, des territoires contigus. Ce qui aboutit, en zone peu peuplée, à éloigner toujours plus les centres de décisions de ceux qu’ils sont supposés servir. Pourquoi n’a-t-on jamais imaginé de procéder à des alliances verticales ? En rassemblant de nombreuses collectivités qui agissent presque concurremment sur un même territoire ?

L’Orne est un bon exemple. Le département compte pour un peu moins de 300.000 habitants, pas moins de 505 communes, 29 intercommunalités, un nombre incalculable de syndicats intercommunaux et un conseil général, sans compter les services de l’Etat et les administrations sociales. Soit environ 600 entités publiques.

Et si l’Orne devenait département métropole  ? Un peu à l’image du département du Rhône avec Lyon, mais avec une ambition plus haute encore. Puisqu’il ne s’agirait pas de laisser cohabiter une collectivité départementale avec une métropole mais précisément de faire du département lui-même l’aire métropolitaine.

L’Orne constituerait dans son ensemble une collectivité à statut particulier au sens de l’article 72 de la Constitution, dénommée « Département-ville-métropole de l’Orne », par regroupement et donc en lieu et place de toutes les communes et les intercommunalités du département et dans les limites territoriales de celui-ci. Elle s’administrerait librement dans les conditions actuelles des lois régissant les communes, intercommunalités et départements. Le Préfet continuerait d’exercer les mêmes fonctions qu’aujourd’hui. Le Conseil du « Département-ville-métropole » remplacerait le Conseil général actuel et serait composé des Présidents d’intercommunalités. Les Présidents d’intercommunalités seraient élus selon le droit commun nouveau, c’est-à-dire par le Conseil de communauté constitué des élus communautaires élus désormais par scrutin de liste au suffrage universel. Les Conseils de Communauté et les conseils municipaux resteraient élus selon le droit commun, toutefois il ne subsisterait qu’une seule collectivité de plein exercice, le « Département-ville-métropole ». Les structures élues à l’échelon local agiraient en vertu des délégations de compétences qui leur seraient dévolues par le Conseil de « Métropole-ville-département ».

Afin de conserver tous les fruits de la démocratie de proximité, le principe de subsidiarité serait la clé de voute de la gouvernance de cette nouvelle entité à trois échelons en un dont deux internes. Ainsi, il serait réservé uniquement à l’échelon supérieur que ce que l’échelon inférieur ne pourrait effectuer que de manière moins efficace. Une obligation de proportionnalité commanderait de ne pas excéder ce qui est nécessaire à la réalisation des objectifs fixés par le conseil du département métropole.

Un seul budget regrouperait les comptes des centaines de collectivités actuelles, mais les missions dévolues actuellement à chaque échelon seraient très généralement maintenues à ce niveau avec les moyens nécessaires à leur exercice, tout en favorisant une stratégie forte de mutualisation visant à accroitre la qualité de service aux habitants dans le meilleur rapport coût efficacité possible. Les concours financiers de l’Etat devraient rester ceux actuellement attribués aux trois échelons existants, selon le mode de calcul du droit commun. La fiscalité serait votée au niveau du Conseil de département-ville-métropole, un système de péréquation serait adopté pour éviter des augmentations aux territoires moins fiscalisés, étant précisé que la fiscalité de ceux-ci évoluerait ensuite en fonction des coûts constatés par leur gestion déléguée selon le principe de subsidiarité.

Une avancée historique de cette importance et de cette audace répondrait à la volonté des Ornais de ne pas subir leur destin mais de le choisir.

Agir pour ne pas subir. Telle deviendrait notre devise. La di­mi­nu­tion du nombre de ré­gions et une éventuelle fu­sion avec les dé­par­te­ments est une perspective qui menace à l’évidence les petits départements. Dès lors,  deux attitudes sont possibles : at­tendre que l’on dé­cide d’en haut, ou an­ti­ci­per.

At­tendre c’est dis­pa­raître. C’est progressivement se lais­ser as­pi­rer par d’autres dans une «ré­gio­na­li­sa­tion ram­pante » qui en­traî­ne­rait l’éloignement par trans­fert de siège de toutes nos ins­ti­tu­tions successivement à Caen puis à Rouen. Comme nous l’avons hélas déjà constaté pour cer­taines grandes banques ou ad­mi­nis­tra­tions. En créant notre « Département-ville métropole» nous constituerions l’en­tité la plus peu­plée en Basse-Nor­man­die et deviendrions du coup in­con­tour­nables. L’ad­di­tion de nos res­sources ac­tuelles, ga­ran­ties par contrat avec l’État, nous don­ne­rait des moyens d’in­ves­tis­se­ment per­met­tant d’équi­per notre ter­ri­toire Ornais en lui conférant une compétitivité renforcée.

Trois éche­lons en un : Dé­par­te­ment, in­ter­com­mu­na­li­tés et com­munes ne fe­raient plus qu’un mais chaque éche­lon conser­ve­rait sa propre ins­tance dé­li­bé­rante, les élus de proxi­mité se­raient pré­ser­vés et grâce au prin­cipe de sub­si­dia­rité, chaque éche­lon gar­de­rait les pou­voirs de dé­li­bé­rer des ma­tières pour les­quelles il se­rait le mieux placé pour les trai­ter.

Faire preuve d’au­dace doit être dans notre nature. Certes, il nous faudrait une loi au­to­risant une telle dé­marche, mais la Consti­tu­tion la per­met. Il nous suffit de seulement un peu d’au­dace, de chasser nos peurs du chan­ge­ment dans nos ha­bi­tudes. Je conserve le souvenir de Pré­sident du dis­trict ur­bain d’Alen­çon. Quand la sup­pres­sion des dis­tricts avait été an­non­cée, j’avais in­di­qué que nous avions deux so­lu­tions : soit re­des­cendre de di­vi­sion en nous trans­for­mant en com­mu­nauté de com­munes, soit mar­quer une grande am­bi­tion et mon­ter en di­vi­sion com­mu­nauté ur­baine. Au dé­part, ce fut un tollé. J’ai per­sisté et de­puis per­sonne n’a ja­mais ima­giné re­ve­nir en ar­rière.

On ne peut sans cesse dénoncer l’inertie des gouvernements qui tardent à engager les réformes de structures indispensables à la renaissance de la France et rester, nous, blottis ou cachés dans nos petits territoires, en attendant notre propre asphyxie. C’est par l’offensive, le courage et la détermination que nous donnerons l’exemple et que le renouveau s’imposera pour le bonheur de tous. Allons-y pour la fusion de trois échelons en un ! Et pour démentir la légende française sur la prétendue fatalité du millefeuille territorial.