carnet_de_volCe matin : premier Conseil des Ministres. Pour les nouveaux comme moi, le spectacle est plutôt du côté du concert des photographes qui appellent et s’agitent dans la cour de l’Elysée pour prendre leurs clichés qui vont nous imprimer notre image pendant plusieurs semaines. Le Conseil par lui-même est plutôt banal. Il ressemble à ceux tenus par les maires expérimentés en début de mandat à l’intention de leurs collègues adjoints pour leur transmettre les informations utiles et surtout leur faire les recommandations d’usage. Les ministres n’écoutent pas davantage que les élus locaux fraîchement élus, ils ont la tête ailleurs toute à leur nouvelle vie. Avant la photo officielle qui nous rappelle notre enfance dans les cours d’école, la lecture rapide du dossier du nouveau ministre ne manque pas de retenir mon attention sur une curiosité comme en recèle notre droit : les ministres fonctionnaires bénéficient d’un traitement supérieur à ceux qui ne le sont pas ! C’est insensé et choquant même si la différence est faible. Pris par le temps, je n’ai jamais pris le temps de chercher le fondement juridique de cette situation ridicule.

S’agissant du traitement des ministres, un souci ne va pas manquer de m’assaillir immédiatement. Mes collègues, comme moi-même s’étonnent du montant figurant sur les fiches. Il correspond en gros à la moitié des traitements et indemnités versés aux parlementaires. Cette hypocrisie résulte de la suppression des fonds spéciaux décidée par le précédent gouvernement avant son départ, sans qu’il ait officiellement majoré sur les fiches de paies ministérielles les sommes jusqu’alors payées en espèces. Intolérant à la démagogie, je me fixe de résoudre le problème dès que possible. Il me semble légitime qu’un ministre soit indemnisé autant qu’un parlementaire. Rester indifférent en la matière revient à réserver la politique aux nantis ou aux fonctionnaires. Seule la voix législative est possible, cela nous promet un joyeux concours de belle et bonne démagogie. Plusieurs mois après, je dois rendre hommage à Michel Charasse, ancien ministre du budget, Sénateur éminent, qui n’a pas hésité à braver les critiques pour m’aider à faire adopter un amendement réglant décemment cette question au soulagement de tous les ministres qui en venaient à envisager de quitter leurs fonctions, n’ayant pas les moyens de voir leurs revenus divisés par deux.

Une autre surprise attend le ministre du budget en prenant ses fonctions, celle de devoir vérifier que les ministres ont une situation fiscale incontestable. Les services lui apportent avec force délicatesse et rappel de la nécessaire confidentialité les informations lui permettant d’inviter quelques collègues à régulariser leur situation. J’ai le souvenir que le premier coup de fil échangé avec certains collègues aient porté sur … leur situation fiscale. Démarche peu gratifiante, mais acceptée de bonne grâce à l’unanimité.

Puis vint immédiatement la question de savoir comment donner une image fidèle et incontestable de la situation de nos finances publiques dont la dégradation apparaît à tous. Pour avoir vécu cette question comme rapporteur général du budget au Sénat, en 1997, lors de la précédente alternance, je milite beaucoup pour que nous choisissions les mêmes auditeurs : Messieurs Bonnet et Nasse. Francis Mer se rallie immédiatement à cette idée. Matignon semble avoir d’autres idées. Dès le mardi 14, je reçois confidentiellement à ma demande les intéressés afin de savoir s’ils accepteraient une nouvelle mission de ce type si elle leur était demandée. Sans enthousiasme,  ils répondent par l’affirmative tout en insistant sur les limites de ce genre d’exercice.