Après « Les 7 piliers de la Sagesse budgétaire » de Philippe Marini, empruntant au Bouddhisme ou à Laurence d’Arabie, c’est au tour de Gilles Carrez de se faire prophète de la soutenabilité budgétaire à travers ses « Dix commandements de la responsabilité budgétaire », guide de bonnes pratiques budgétaires concluant son intervention lors de la 2ème conférence nationale des finances publiques. De l’Exode à Laurence d’Arabie, le chemin de l’assainissement des finances publiques prend donc des airs de traversée du désert. Reste que si la forme de ces 10 commandements est une façon originale de présenter les règles de bonne gestion financière, elle suscite tout de même quelques remarques, de forme et de fond.

On notera tout d’abord qu’en dehors du caractère quelque peu pompeux et moralisateur de cette liste, celle-ci semble assez peu respectueuse de la laïcité de la République. Mais, jouons donc le jeu ! Il s’agit alors d’analyser comment (le prophète) le rapporteur G. Carrez estime pouvoir conduire (le peuple élu) les élus et les gouvernants vers la « Terre sainte » de l’équilibre budgétaire et de la réduction de la dette. Car il semble en effet que la situation financière de la France soit très alarmante, les « élus » s’étant dévoyés dans la pratique de l’augmentation effrénée de la dépense publique, des déficits publics excessifs et d’une explosion de la dette publique. On notera que cette « corruption du peuple élu » est symbolisée dans l’Exode par le Veau d’Or. De là à y voir un double symbole faisant référence aux finances publiques… ou à une spécialité corrézienne… il n’y a qu’un pas qu’il ne vaut mieux pas franchir…

Mais revenons-en à nos moutons (ou à nos brebis égarées) et regardons de plus près ces dix commandements :

Les dix commandements de la responsabilité budgétaire

Pour que nos budgets et nos comptes traduisent fidèlement la situation de la France :

Prudent dans ta budgétisation tu seras.

La transparence de tes finances publiques tu rechercheras.

Ces deux objectifs font référence à la sincérité des prévisions budgétaires : prudence dans les estimations et transparence des finances publiques (on se rapproche ici plus de la sincérité comptable). D’ailleurs, la transparence est inutile sans sincérité. Sur ce point, on rappellera que depuis sa consécration par la LOLF, le moyen de l’insincérité des prévisions budgétaires a systématiquement été rejeté par le Conseil constitutionnel. Pour le PLF2006, ce moyen pourtant récurrent n’avait pas été soulevé par les requérants et pour le PLF2007, la situation est encore plus extrême puisque le Conseil n’a même pas été saisi. C’est dire que l’avenir du principe de sincérité budgétaire est, malgré sa consécration, loin d’être assuré. Espérons en revanche, que la future certification des comptes par le juge financier permette de renforcer l’effectivité du principe dans son volet comptable.

Pour que nos enfants ne soient pas les victimes de l’imprévoyance de leurs parents :

Sur les générations futures, une dette non justifiée tu ne transféreras point.

En période de bonne conjoncture, fourmi tu seras.

Ces deux commandements portent sur la dette publique. On pourrait déjà se poser la question de savoir selon quels critères une dette peut apparaître justifiée ou non… Plus simplement, l’objectif général est de réduire la dette et surtout de profiter des périodes de bonne conjoncture et des surplus de recettes pour réduire le montant de la dette. Référence directe au nouvel Article 34 – 10° de la LOLF qui implique de prévoir à l’avance comment seront utilisées les surplus de recettes. En 2006 et 2007, ces surplus de recettes ont servi (et serviront) au désendettement.

A cette fin :

Avant de prendre une décision qui engage l’argent des français, toutes ses conséquences tu évalueras.

La dépense de toutes les administrations publiques tu considéreras.

La pertinence de la dépense sans cesse tu questionneras.

L’argent du contribuable de façon efficiente tu dépenseras.

Des allègements d’impôts financés par la dette tu éviteras.

Des réformes préparant l’avenir tu entreprendras.

Enfin, un volet sur l’efficacité de la dépense publique et la LOLF. Les commandements 5,6 et 8 font directement référence à la LOLF au travers de l’évaluation, de la justification des crédits ou encore de la recherche de performance. Le 7ème commandement est intéressant car il est au coeur de la conférence nationale des finances publiques et de la nécessité d’une démarche globalisée des finances publiques. Il serait toutefois opportun de s’interroger au-delà d’une certaine coordination des finances de l’État, des finances sociales et des finances locales, à une véritable consolidation des comptes publics. Cela passerait notamment, comme le proposait la mission Lambert-Migaud, par un rapprochement et à termes une fusion de la LF et de la LFSS. Les réformes des lois organiques (LOLF et LOLFSS) vont d’ailleurs dans ce sens… En tout état de cause, on notera le caractère quelque peu entendu et vague de ces commandements, à l’instar du dernier commandement sur la nécessité de réforme.

On remarquera que dans son rapport sur les « 7 piliers de la Sagesse budgétaire », P. Marini développait, pour une meilleure politique budgétaire, des principes et des objectifs similaires quoique développés de manière beaucoup plus précise et opérationnelle. En tout état de cause, les bons résultats de l’exécution 2006, due principalement à un surplus de recettes, sont certes encourageants mais sont loin d’illustrer des mesures radicales pour assainir les finances publiques. Le PLF 2007 en est également l’illustration puisqu’à bien des égards, il s’agit d’un budget de transition. Reste à espérer que les principes et propositions développés dans les différents rapports Pébereau, Marini, Carrez ou Lambert-Migaud ne resteront pas lettre morte.

Catteau Damien
Université de Lille 2