Il ne reste quasiment plus que les socialistes alençonnais pour croire que l’intercommunalité est sans effet sur les élections municipales. Cela en est un enjeu pourtant évident. La lecture du Monde du 21 Février, traitant de Dijon publie un papier signé Luc Bronner sous le titre « les effets collatéraux de l’intercommunalité ». Il relate une thèse qu’il qualifie d’iconoclaste. Si les clivages entre la droite et la gauche tendent à s’affaiblir, ce n’est pas seulement à cause de l’effondrement des idéologies, de la crise des partis ou de la mondialisation. Si ces clivages en prennent un coup, c’est notamment parce qu’il existe des assemblées comme celle de ce 7 février : 62 hommes et 20 femmes, conseillers municipaux et maires, délégués par leurs communes pour gérer la communauté d’agglomération de Dijon, qui concerne 49 % de la population de Côte-d’Or.

C’est François Rebsamen, président du Grand Dijon et maire (PS) de la ville, qui soutient cette thèse. L’homme est expert de la chose électorale – numéro deux du PS derrière François Hollande, mais au côté de Ségolène Royal lors de l’élection présidentielle.

« On dit que les clivages droite-gauche s’affaiblissent, explique l’élu, qui a fait alliance avec le MoDem. Ce n’est pas seulement l’affaissement des idéologies. C’est aussi parce que 80 % des communautés d’agglomération sont cogérés par la droite et la gauche. Et comme cela fonctionne, cela a un impact sur les gens. »

« DÉMOCRATIE BRUTALE »

L’intercommunalité se traduit par un nouveau mode de « gouvernance » locale. « Dans un conseil municipal, on peut imposer le fait majoritaire. Les minorités ne sont là que pour des questions de transparence. Au fond, on peut être dans une démocratie assez brutale », explique le maire de Dijon, sans langue de bois. Tout l’inverse, selon lui, de l’organisation d’une structure intercommunale, amenée à fonctionner, « à l’européenne », par négociation, par « consensus ».

Des élus de droite, du centre, de gauche ou de nulle part doivent s’entendre pour défendre les mêmes projets. Et fermer la porte au bon vieux clivage droite-gauche, même si celui-ci revient parfois par la fenêtre.

Anecdotique ? Pas sûr. Les 82 « conseillers communautaires » dijonnais gèrent l’équivalent d’un demi-département et près de 240 millions d’euros de dépenses annuelles, soit la moitié environ du budget du conseil général. Les spécialistes parlent d’ailleurs volontiers de « révolution silencieuse » pour souligner l’importance des changements en cours.

En moins de dix ans, depuis l’adoption, en juillet 1999, à l’instigation de Jean-Pierre Chevènement, alors ministre de l’intérieur, d’une loi sur l’intercommunalité, le pouvoir a changé de mains. Ces communautés « urbaines », « d’agglomération » ou de « communes » ont pris le relais des villes dans l’organisation et la gestion des transports, de l’environnement, du logement ou de l’aménagement.

Dans le Grand Dijon, les conseillers abordent désormais, aussi, des questions universitaires et de développement économique. Avec un paradoxe toujours latent : les compétences de ces assemblées s’étendent alors que leurs membres ne sont pas élus au suffrage universel direct mais désignés par leurs conseils municipaux. Ces carrières communautaires attirent de plus en plus : « Dans les négociations pour constituer des listes, les postes de vice-président au Grand Dijon sont aujourd’hui très demandés », sourit François Rebsamen. A droite, comme à gauche.

Luc Bronner

Article paru dans l’édition du 21.02.08.