Les mots finissent par manquer pour expliquer le désordre et le chaos qui menacent le système financier européen et mondial.

Si l’heure est tragiquement stressante, il serait cependant salutaire, pour retrouver un peu d’apaisement, de nous demander comment nous en sommes arrivées là.

Tout d’abord, l’Euro a été construit sur la base d’un engagement solennel et réciproque de tous les pays participant à l’aventure de la monnaie unique, de respecter certaines disciplines reconnues dès l’origine comme indispensables à sa survie. Un système d’alarme et de surveillance multilatérales avait même été instauré pour éviter les écarts responsables de la déchirure d’aujourd’hui. Fort imprudemment, la France et l’Allemagne l’ont partiellement débranché en 2003 alors que les dérapages de la Grèce étaient déjà signalés.

Depuis lors, une immense majorité de pays s’est soustraite auxdites disciplines. De fait, la montagne de dette cumulées rend le système de l’Euro insoutenable.

Après la Grèce, c’est aujourd’hui l’Espagne qui est attaquée, demain peut-être l’Italie et pourquoi pas, à terme, la France.

Le seul moyen de nous protéger de l’exubérance des marchés est d’affirmer, sans ambiguïté la responsabilité conjointe et solidaire de tous les pays des dettes contactées en leur sein.

Les citoyens de chaque Etat n’ont certes pas informés qu’ils étaient devenus indéfiniment responsables des dettes de leurs voisins. C’est une faille démocratique grave devenue une vérité qu’il faut cesser de leur cacher.

Pire, comme rien n’est proposé pour éviter les dérapages visibles déjà dans certains Etats, chaque citoyen de chaque pays restera aussi responsable des dérives futures.

Est-ce bien raisonnable?

Quand on a perdu tout crédit auprès de ses créanciers, on ne se soigne pas en cultivant l’ambiguïté. On change plutôt radicalement de mode de gestion. Et surtout, on se soumet à une transparence exemplaire.

Le premier des objectifs européens doit dont donc être la mutualisation pure et simple des décisions budgétaires de chacun des pays ou à défaut, l’individualisation des conséquences financières subies par ceux qui ne souscriraient pas à cet engagement.

Ensuite, seulement après que ce premier point essentiel aura été solennellement acté, il pourra être passé à l’étape de la mutualisation assumée des dettes futures. Notamment en fixant la part revenant aux banques même si elles ne cessent d’appeler les Etats au secours. D’ailleurs, leur attitude immature montre qu’elles n’ont jamais subi de choc à la Lehman Brothers, susceptible de les amener à une prise de conscience. Un tel séisme en Europe serait certes brutal mais il aurait le mérite de conjurer le risque d’aléa moral.

Donc, pour avoir une chance d’être utile, tout sommet européen à venir devrait :

  1. Réaffirmer la responsabilité individuelle de chaque pays pour la dette qu’il va constituer à compter de ce jour. Et s’interdire de faire appel à la solidarité européenne.
  2. Définir les modalités de prise en charge des dettes accumulées en cantonnant celles aujourd’hui constatées.
  3. Chausser les bottes de sept-lieues pour passer à l’étape du fédéralisme, seule issue  en dehors de la mort de l’Euro afin d’organiser et de soutenabiliser les dettes à naître de la manière la plus transparente qui soit, par le respect enfin scrupuleux des traités.

Toute autre méthode sera un nouveau cautère sur une jambe de bois. La confiance ne renaîtra pas et la tragédie de la disparition de l’Euro, la grande, sera inévitable.

Et si on demandait à des gens de bon sens de s’occuper de nos affaires communes !