Le mythe raconte  que Yahvé pour tester la dévotion d’Abraham lui ordonne le sacrifice de son fils unique… Obéissant Abraham se rend sur le lieu du Sacrifice : mais un ange intervient pour arrêter son geste et un bélier sera sacrifié à la place de l’enfant.

Un ange viendra-t-il sauver les pauvres départements soudain désignés à la vindicte populaire ?

Ne soyons pas dupes, les gouvernements n’ont pas hésité, ces dernières années, à stigmatiser les collectivités locales, comme la cause de toutes les dérives des dépenses publiques. A force d’esquiver ainsi leur responsabilité, les citoyens contribuables excédés demandent des têtes. Un bon lynchage de l’échelon territorial départemental, vieux de 220 ans, suspendra-t-il la violence contre tous qui mouronne dans les esprits ? Ce rite sacrificiel opèrera peut-être un temps une catharsis des pulsions agressives à l’œuvre actuellement contre les pouvoirs publics en général. Alors, en quoi le département était-il prédisposé à servir ainsi de bouc-émissaire ? Il y aurait bien eu l’échelon communal, du même âge, mais ne faut-il pas mieux susciter le courroux de 100 présidents de conseils généraux que de 36.000 maires ? Quant aux 27 régions, en les réduisant à 10, cela permettra au passage de réduire d’autant les administrations régionales de l’Etat  et d’en faire les succursales totalement connectées des inexpugnables administrations centrales. Ainsi la boucle est bouclée, l’aventure de la décentralisation est enfin neutralisée, et tant qu’on parle de la réforme territoriale, on ne parlera plus de la réforme de l’Etat. Bien joué. Vu du côté de l’Etat.

Du côté des citoyens, il n’est pas sûr que l’opération soit aussi fructueuse. L’important est le service qu’on leur rend, au meilleur rapport cout / efficacité. Le service est-il mieux rendu de loin ou de près ? C’est une question pratique à laquelle tous les Français savent déjà répondre. Ils passent suffisamment d’heures au téléphone avec des automates ou des centres d’appels localisés dans des pays lointains, sans solution pratique à leurs problèmes. Est-ce le modèle de service public qu’on leur prépare, en voulant supprimer tous les points de contact directs entre usagers et administrations humainement responsables ?

S’agissant des économies supposées, réfléchissons un instant, quelles politiques départementales actuellement menées seront supprimées ? Qui fera mieux que le département de l’Orne en matière de masse salariale, lui qui est parvenu à la stabiliser depuis 3 ans, ce qu’aucune autre administration n’a su faire ? L’annuité de la dette ne s’effacera pas par la magie de la suppression du conseil général. Le réseau routier départemental sera-t-il abandonné ? Comme l’Etat l’a fait pour le sien ? Le transport scolaire sera-t-il régionalisé, au risque de perdre tout contact direct avec les familles dans chaque commune ? Le soutien à l’agriculture doit-il être supprimé au moment où la PAC viendra déjà réduire ses interventions ? L’effort remarquable de réhabilitation et de modernisation des collèges doit-il être interrompu ? Les associations sportives, culturelles et de sauvegarde du patrimoine doivent-elles se préparer à la suppression de leurs subventions ? La montée en débit de l’Internet doit-elle être renvoyée à d’autres ?  Les subventions aux communes pour l’eau, l’assainissement doivent-elles être interdites ? Enfin, l’action sociale correspondant à 60% des dépenses du département sera-t-elle suspendue ou conduite par d’autres, plus proches, plus lointains ?

Quel échelon territorial, en ce compris l’Etat, peut garantir aux Français qu’il saura mieux faire que les départements au meilleur rapport qualité prix ?

C’est la première question qui devrait être traitée en toute transparence devant les Français ! Par préférence aux débats institutionnels qui semblent une affaire d’élus et de fonctionnaires, alors que ceux-ci ne sont là que pour organiser l’action publique et la rendre accessible à tous, au plus près de leurs besoins.

Nous reviendrons en détail sur toutes les actions menées par les départements et nous essaierons, en toute objectivité, d’examiner qui mieux qu’eux pourrait les accomplir. C’est ainsi que le débat public sera le mieux instruit. Et que la démocratie sera mieux servie et en sortira renforcée.

Les efforts colossaux de gestion effectués par nos départements ces dernières années doivent les rendre sereins sur le jugement que les Français porteront sur leur action. Tel Job, qu’ils assument leur condition de victime expiatoire des péchés des administrations publiques. Par leur tranquillité, ils détraqueront la mythologie officielle qui se cherchera alors d’autres coupables.