Un contre point utile à Doing Business

fondation_droit_continentalLe droit français est bien coté par la Fondation pour le droit continental présidée par M. Jean-François Dubos, maître des requêtes honoraire au Conseil d’Etat. Elle a récemment publié son index de la sécurité juridique (ISJ). Voilà enfin une réponse de poids à l’indicateur de facilité de faire des affaires, publié depuis des années par le rapport Doing Business de la Banque Mondiale, et qui reléguait le droit continental – et donc français ! – au rang d’espèce en voie d’extinction.

L’index est construit en agrégeant six domaines du droit (contrats, responsabilité, immobilier, travail, règlement des différends). La France apparaît en 3ème position, après la Norvège et l’Allemagne, alors que le Royaume-Uni occupe la 4ème position et les Etats-Unis la 12ème. La Fondation souligne donc que « les pays de droit continental, pris dans leur ensemble, et plus particulièrement les pays européens, offrent un système de droit relativement sûr ».

La meilleure note de la France se situe en droit des sociétés, et la pire (qui reste cependant raisonnable, à plus de 5/10), en droit des contrats – c’est donc sur ce point qu’il reste des progrès à effectuer.

Le droit des contrats sera bientôt réformé… Mais par ordonnance ! Ce qui prive la souveraineté nationale du nécessaire débat démocratique sur une question aussi importante, le droit des contrats étant le support principal des affaires. Il est également un élément essentiel de l’autonomie de la volonté, source créatrice de droit, sans oublier que « les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites », en vertu de l’article 1134 du code civil.

Un droit français tellement perfectible

A la vérité notre droit national pourrait être mille fois meilleur, si le pouvoir législatif et réglementaire voulait bien mettre un terme à la prolifération normative qui est la plaie la plus grave de notre système juridique.

Notre système juridique continental est bien meilleur que le système anglo-saxon mais c’est nous qui le détruisons nous même par un flot législatif et réglementaire échappant à tout contrôle.

La réalité doit être assénée, notre système juridique est le meilleur, c’est l’usage que le pouvoir réglementaire en fait, par une logorrhée destructrice, qui affecte son image et son efficacité.

Le cancer de la prolifération normative

La volonté de lutter contre l’insécurité juridique fait pourtant l’unanimité au sein de la communauté des juristes français, et les pouvoirs publics ne parviennent pas à entendre et comprendre que l’on attend d’eux plus de sobriété.

La liste des études et analyses consacrées à la question est longue. Rapports publics, thèses, articles et travaux de tous genres sur la sécurité juridique en général ou relatifs à une matière en particulier, rendent compte d’une atmosphère normative devenue presque irrespirable.

Toutes les sources du droit sont contaminées par ces maux liés à l’excès de texte : intelligibilité, frénésie normative, instabilité et imprévisibilité des solutions. Un regard objectif découvre l’image d’un système juridique qui ne maîtriserait plus le flot des règles qui le composent : c’est l’emballement normatif généralisé. Cela  participe, comme le dénonçait déjà le doyen Jean Carbonnier, de nos angoisses contemporaines, tant notre droit enserre et submerge, au risque de l’asphyxie, là où il devrait protéger et assurer la prise de décisions.

On ne compte plus les lois, les décrets ou circulaires qui aspirent à améliorer la situation : la simplification du droit, l’amélioration de la qualité de la réglementation, la maîtrise de l’inflation normative font même l’objet de textes. Ils deviennent un peu l’alibi d’une réglementation  qui ne décélère pas.

Choc de simplification ? …

Le Président de la République a même parlé de « choc de simplification ».

Disons que la simplification de la vie des entreprises doit être urgemment encouragée. En la matière, les avancées de la sécurité juridique restent insuffisantes, comme si elles se trouvaient structurellement empêchées. Trop rares sont en effet les mécanismes visant à promouvoir cette sécurité juridique. Tout se passe le plus souvent comme si l’insécurité qui gangrène le droit contemporain venait neutraliser jusqu’aux remèdes censés la combattre.

… Où crise de la loi ?

La crise de la loi est une réalité cruelle. Le Président du Conseil constitutionnel pouvait ainsi s’interroger : « Est-il normal d’adopter des lois qui atteignent 169 pages au Journal officiel. N’y a-t-il pas là un véritable problème qui touche à la crédibilité de la loi ? On le sait : les lois inutiles, prises sous la tyrannie de l’instantané, tuent les lois utiles ».

Mettre fin à la frénésie de textes

La pratique législative marque un emballement et une frénésie. Tout se passe comme si les bonnes intentions cédaient devant les contraintes – supposées – de l’instant. C’est la tyrannie des faits contre le droit.

L’impression qui prédomine est celle d’un décalage entre les intentions et les réalisations. Lorsque l’on examine les déclarations des acteurs et l’évidente volonté de lutter contre diverses formes d’insécurité juridique qu’elles traduisent, on s’étonne de la faiblesse des résultats.

A nous juristes de bonne volonté de lutter contre le caractère supposément inéluctable de notre droit moderne, formaliste et procédural, déformé par des procédures d’édiction qui font perdre au droit sa qualité, à mesure qu’elles gagnent en complexité.

La sécurité juridique est indispensable aux entreprises

Comme le disait le Premier Président de la Cour de cassation, M. G. Canivet, « les mérites d’un système de droit s’apprécient à ses aptitudes à permettre la production et la circulation de la richesse, à favoriser le développement économique et l’intégration sociale et à assurer la sécurité juridique ». Si le droit est vecteur de compétitivité, l’instabilité normative est source de contraintes qui freinent l’initiative économique. L’entreprise, confrontée en permanence à de nouvelles normes, a de plus en plus de difficultés à se conformer à ces contraintes nouvelles qui constituent désormais un « carcan complexe » générateur de coûts. À l’échelle du particulier, de l’entreprise ou de l’État, l’insécurité des solutions grève les décisions des acteurs et représente un véritable coût pour l’économie : le Conseil d’État, dans son rapport de 2006, relève que le « coût de la complexité des normes et des procédures est évalué, pour les pays de l’OCDE, à une somme représentant, en 2000, entre trois et quatre points de PIB selon les pays ». L’insécurité juridique se présente alors comme un obstacle au développement économique : « le biotope législatif et règlementaire français n’est pas favorable à la création d’entreprise et à son développement. Il ignore une composante essentielle de l’action économique – prendre un risque, vivre dans l’aléa, décider, affronter la concurrence mondiale et être performant ». Les choix des agents économiques sont gouvernés par la confiance. Les prises de décisions supposent donc un environnement juridique stable et pérenne, lequel repose nécessairement sur la sécurité juridique. Le lien entre sécurité juridique et initiative économique est évident.

Le droit est un facteur de compétitivité

Plus encore, la sécurité juridique est, en termes de concurrences entre les économies, un enjeu de premier plan. Elle est un facteur essentiel d’attractivité des investissements étrangers, au point d’avoir été érigée dans le traité OHADA au rang des objectifs que se donne l’organisation. Le préambule du traité prévoit ainsi que le droit des affaires doit être appliqué « dans des conditions propres à garantir la sécurité juridique des activités économiques, afin de favoriser l’essor de celle-ci et d’encourager l’investissement ». C’est dire que la sécurité juridique est un vecteur de l’initiative économique. Elle tient dès lors une place essentielle dans la concurrence des systèmes juridiques. C’est sur ce fondement que les rapports des plus hautes instances insistent sur la nécessité de simplifier la règlementation juridique pour faciliter l’initiative économique.

Une circulaire du 7 juillet 2011 sur la qualité du droit, « souligne qu’à la qualité de la règle de droit s’attachent des enjeux déterminants pour l’attractivité de notre système juridique et pour notre compétitivité économique. La sécurité juridique, la prévisibilité du droit et la simplification de règles inadaptées ou dépassées sont des attentes régulièrement exprimées par nos concitoyens et nos entreprises ».

Les décisions économiques ont besoin de stabilité et l’investissement suppose la confiance, qui n’existe pas sans sécurité. Favoriser la sécurité juridique afin d’encourager l’initiative économique est devenu une cause nationale.

Le Rapport sur « la sécurité juridique et initiative économique » du club des juristes constitue une contribution décisive aux solutions attendues.

Nous doter du droit le plus compétitif du monde !

Voilà pourquoi, il ne tient qu’à nous d’avoir le droit le plus compétitif du monde ! Personne ne nous en empêchera, sauf notre résignation.

Juristes français, faisons le !

Juristes français, donnons-nous la main, et faisons de cet objectif atteignable une priorité de la France.

La Fondation pour le droit continental nous y invite.