Les lampions de la fête présidentielle sont à peine éteints que la dure réalité vient effacer les rêves. En matière de finances publiques, la campagne nous a bercé de controverses inutiles sur le chiffrage des « mesurettes » annoncées au gré des meetings. Aucun média n’a voulu nous parler du seul acte qui comptait « le programme de stabilité » car il résumait en seul document les prévisions de croissance, les intentions de dépenses, les espoirs de recettes, l’aveu des déficits et de la dette de chaque candidat.

Le nouveau Président n’est pas installé qu’on ne rebat déjà les oreilles des surprises que la Commission européenne va lui révéler, mais nous les connaissions toutes ! La vérité est que les élections sont un spectacle trop divertissant pour le gâcher par des informations austères.

Comme il ne faut jamais désespérer, espérons enfin que les vrais sujets seront enfin traités pour les législatives et que les Français pourront voter en toute connaissance de cause et pour des candidats qui devront prendre la réalité en compte.

La démocratie commande que les candidats aux élections présentent leurs prévisions économiques et financières avec sincérité.

L’article 14 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 indique d’ailleurs que « tous les citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes, ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d’en suivre l’emploi et d’en déterminer la quotité, l’assiette, le recouvrement et la durée « .

Or, comment pourrait-il en être ainsi si les informations (relatives au passé et à l’avenir) dont bénéficient les citoyens et leurs représentants, et qui éclairent les décisions de ces derniers, ne sont pas sincères ? Ou ne reflètent pas l’image fidèle de la réalité ? La sincérité budgétaire est un principe fondamental de la démocratie, qui suppose que les gouvernements passés, présent et futurs ne manquent pas à l’exigence de vérité avec la Nation et ses représentants.

C’est pourquoi la campagne présidentielle, s’agissant des finances publiques, aurait dû être un moment de vérité absolue. Un face à face sincère entre les candidats et le Peuple afin que celui-ci sache comment ceux-là se promettaient de le gouverner, ce qu’ils comptaient faire du fruit de son travail et, pourquoi pas, quelles sanctions ils s’appliqueront à eux-mêmes s’ils ne respectaient pas leurs engagements.

Parfois les candidats se mentent à eux-mêmes, et mentent consciemment ou non au Peuple qui les croit. Particulièrement en matière de finances, où la tentation est grande de s’offrir des hypothèses de croissance trop optimistes. On voit bien qu’en période électorale, prévoir l’abondance rend tout réalisable alors que la pénurie rend l’exercice difficile !

Le débat sur les prévisions est donc impossible, puisque, par nature, la prévision est aléatoire.

C’est pourquoi il est plus raisonnable de retenir « une convention » sur l’hypothèse de croissance probable pour départager la capacité des candidats à atteindre leurs objectifs. La « convention » relative aux prévisions de croissance du FMI, organisme international indépendant et non soupçonnable d’intervenir dans les élections politiques nationales, peut jouer ce rôle en toute neutralité.

Traduire, sur des tableaux facilement lisibles, les différences entre les prévisions du FMI et celles qui peuvent être déduites des programmes des 2 candidats en lice m’avait semblé un exercice, non seulement instructif, mais aussi d’une importance capitale, pour éclairer les électeurs que nous sommes sur la façon dont chacun des deux envisageait de nous éviter la faillite.

J’y ai renoncé car la presse semblait se désintéresser du sujet, préférant faire un évènement chaque jour du chiffrage des « mesurettes » annoncées chaque jour par les candidats pour amuser la galerie.

Le premier tableau qui peut être examiné et commenté est celui relatif à l’évolution du PIB, c’est-à-dire de la production nationale sur la période du quinquennat qui va commencer.

La courbe verte (FMI) et la bleue (Sarkozy) se confondent presque puisque les sources sont identiques. Il sera utile de savoir si l’UMP les confirme ou non, dès lors que la Commission européenne vient de les réviser à la baisse. François Hollande s’offrait déjà un surplus théorique de 39 Mds€ qui permettait de laisser espérer des recettes aujourd’hui inatteignables. A noter que la prévision de François Bayrou (en bleu) était plus raisonnable et qu’elle est en ligne avec celle récente des autorités européennes.

Le 2ème tableau utile à examiner est celui des dépenses puisqu’elles dépendent presque intégralement de la volonté des gouvernants, et qu’il leur appartient de maitriser pour éviter à la dette de s’envoler.

Là encore les courbes FMI/Sarkozy se confondent à raison des sources identiques. François Hollande prévoit à l’horizon 2016 de dépenser plus de 66 Mds€ au-delà de ce que ce prévoit le FMI, et 200 Mds€ de plus qu’en 2011. A ce stade, il prévoit de dépenser plus et plus vite que durant le quinquennat qui s’achève. A noter que François Bayrou était encore le plus vertueux puisqu’il s’interdisait de dépenser 50 Mds€ de moins que ses concurrents.

Le tableau que la logique appelle à examiner ensuite est celui des recettes car il révèle le niveau de prélèvements que chaque candidat envisage de ponctionner sur les entreprises et les ménages.

La courbe du FMI était la plus prudente, après celle de François Bayrou qui estimait déjà que la croissance faible ne permettrait pas de prélever plus de 1.201,7 Mds€, considérant qu’il serait raisonnable de ne pas prélever plus, en pourcentage, qu’en 2011. Nicolas Sarkozy envisageait de prélever 30 Mds€ de plus en 2016. Quant à François Hollande, il se proposait de lever, lui, 78 Mds€ de plus que ne le prévoit le FMI et 288 Mds€ de plus qu’en 2011, soit 75% de l’accroissement envisagé de notre PIB.

Le tableau qui s’impose ensuite est évidemment le solde, la différence entre les dépenses et les recettes. C’est-à-dire le déficit !

Les prévisions du FMI sont assez anticipatrices car elles prévoyaient déjà que la France, à l’horizon 2016, serait toujours à 31 Mds€ de déficit. Sa trajectoire est linéaire, et constatait que le 3 % ne serait pas atteint en 2013 alors que celle des candidats tenait compte de cette obligation. Le président sortant prévoyait d’être à l’équilibre en 2016 et François Hollande d’être à 20 Mds€ de déficit. Aucun des deux ne l’aurait été ou ne le sera. Sauf, une fois encore François Bayrou avait fait les anticipations nécessaires en créant une trajectoire (celle du bas) qui permettait d’aller plus vite si nécessaire.

Le tableau suivant est naturellement celui de la dette, celle-ci étant alimentée chaque année par le déficit.

La courbe du FMI faisait déjà peur car elle traduit un endettement massif à plus de 87% du PIB, pour s’élever en nominal à 2.080 Mds€. Nicolas Sarkozy promettait d’être à 1.939 Mds€ et François Hollande à 2.015 Mds€ soit près de 300 Mds€ (298) de plus qu’en 2011. Les dernières prévisions de la Commission vont encore aggraver ces prévisions. Là encore, François Bayrou avait pris ses dispositions pour reprendre la maîtrise de notre dette.

Les chiffres sont parfois menteurs : Pour montrer à quel point les chiffres peuvent parfois être menteurs, je m’étais appliqué à projeter les trajectoires de François Hollande et Nicolas Sarkozy à partir des hypothèses raisonnables de croissance de François Bayrou, il en résultait qu’aucun des deux ne respectait nos engagements européens, que le déficit excessif subsistait et que la dette s’envolait de manière affolante. Vous pourriez voir le fichier PDF qui résume l’exercice. Cela n’a intéressé évidemment personne. Les prévisions de Bayrou sont celles désormais retenues par la Commission européenne, et le PS et l’UMP vont devoir nous dire comment ils résolvent l’équation.

La morale de l’histoire est qu’il serait anti démocratique d’envisager des élections législatives sans connaitre la trajectoire soutenue par chacun des candidats. J’en appelle à la presse qui s’est refusée à parler du programme de stabilité qui est pourtant le support de nos engagements européens, le thermomètre de la santé de l’Euro, qui est le document qui va devoir être corrigé par la France et rebâti sur des bases sérieuses et réelles J’espère que ce sera l’occasion d’un beau débat démocratique.