Suez est un grand groupe industriel dont l’identité française et belge sont la fierté des deux pays. Voulant se prémunir contre une tentative inamicale de fusion, émanant d’un autre groupe d’un pays tiers, Suez cherche une alliance. Se rapproche de Gaz de France GDF) dont la position industrielle requiert d’être renforcée. Les organes dirigeants des deux groupes trouvent un terrain d’entente. Ils en informent tout naturellement le gouvernement puisque GDF est la propriété de l’Etat à hauteur de 80%. Inopportunément, cette perspective est annoncée à Matignon par le Premier Ministre, dans la précipitation et avec ostentation. Au point d’agacer tous ceux qui croyaient rangées au placard de l’histoire les vielles chimères de l’économie administrée. La suite devient kafkaïenne :

Pour aboutir à cette fusion, le Parlement doit modifier une loi adoptée en 2004 prévoyant l’impossibilité pour l’Etat, sans nouveau texte, de descendre dans le capital en dessous de 70 %. Les motifs de grippage du système deviennent multiples : Le fait que le Premier Ministre ne puisse prétendre être le Chef de la majorité n’arrange rien. Le Président de l’UMP se sent prisonnier d’un engagement pris devant les syndicats, au nom du précédent gouvernement. Le parti socialiste, en s’opposant violemment, y voit une opportunité, à quelques mois de la présidentielles, de retrouver une unité, une crédibilité que ses divisions internes lui ont fait perdre. Certains syndicats, notamment la CGT, brandissent un droit de veto qu’ils se sont auto attribués, au mépris des règles les plus élémentaires de la démocratie. Des règles communautaires sont annoncées comme contraignantes. Des projets alternatifs surgissent chaque jour. Bref, aucun pays au monde n’aurait le génie d’inventer un tel labyrinthe de menaces devant une question aussi simple mais grave : quel est l’intérêt réel du pays, de son économie, de ses emplois ! Soit il y a plusieurs réponses, et alors que les vrais arguments s’opposent dans la lumière et avec la pédagogie requise pour que tous les Français se fassent leur opinion. Soit il n’y en a plus vraiment, et il faut passer aux actes ! Chacun se déterminera alors selon sa conscience. S’agissant de la participation de l’Etat dans le nouveau groupe fusionné, ma position n’a pas changé : je ne souhaite pas qu’elle soit introduite dans la loi nouvelle ! Et je ne demande pas qu’elle soit supérieure à la minorité de blocage. C’est déjà bien risqué pour le nouveau groupe quand on connaît les forces d’inertie de notre Etat. Qui peut s’y opposer ? Les syndicats ? Ils n’ont aucune légitimité pour le faire et j’imagine que le management ne manque pas d’arguments pour que les salariés soient généreusement invités au capital. L’opposition ? Si elle souhaite signifier aux Français, à quelques mois des élections générales, qu’elle peut bloquer un processus démocratique : Grand bien lui fasse ! Mais, en toute bonne foi, je ne lui recommanderais pas. La majorité ? Il lui appartient seulement de savoir si elle censure le gouvernement ou si elle le soutient. Elle ferait mieux de le soutenir, non sans avoir exercé son droit de critiques légitimes. Il demeure qu’elle doit, sans ambiguïté, démontrer à nos compatriotes qu’elle ne saura ni se laisser intimider, ni se laisser distraire par quelques querelles politiciennes que ce soit. Et que, pour elle, seul dominent l’intérêt réel du pays, de son économie et de ses emplois.
Puis, si tout cela ne suffit pas. A la place de Suez, je chercherais bien vite une autre alliance et laisserais l’appareil d’Etat à son obsolescence, à ses contradictions, à ses corporatismes, à son aveuglement, à sa ruine qu’il organise si soigneusement. La prochaine législature le reconstruira. Il n’est que temps.