Le premier ministre a placé sa déclaration de politique générale sous le signe de la confiance. Il n’a pas voulu parler seulement de celle qui se mérite, dans la durée, auprès des électeurs, et qu’il faut obtenir de leurs députés. Il a insisté sur celle que l’Etat doit au pays, c’est-à-dire en définitive sur celle que le pays s’accorde à lui-même, à ses forces vives : pouvoirs locaux, partenaires sociaux, acteurs économiques et associatifs, familles.

Le dirigisme naît du soupçon.Nous voulons au contraire aller vers une société de confiance. Cela exige des hommes politiques véri- té du discours, pédagogie du débat public, courage de l’action et res- pect des engagements pris. C’est le sens de l’audit commandé par Jean- Pierre Raffarin à son arrivée. Au-delà de la vérité due aux Français – ce sont leurs comptes et ils ont le droit de connaître la situation réelle du pays –, il fallait tracer une perspective, éclairer les Français, obtenir leur adhésion raison- née à notre politique et créer les conditions d’un contrat de confiance entre l’Etat et la société civile.

Les Français savent désormais que le déficit des comptes publics pourrait atteindre 2,6 % du PIB (38 milliards d’euros), soit une dérive de plus 15 milliards d’euros. Nos prédécesseurs n’ont pas su uti- liser les excédents d’une croissance exceptionnelle pour engager les réformes indispensables. Ils ont trouvé plus commode de financer à crédit une politique de l’emploi coûteuse. La France ne peut plus s’offrir un tel immobilisme prodigue.

 

 

 

 

Notre capacité d’action et, au-delà, le crédit de la politique entendue comme possibilité d’in- venter ensemble notre destin, pas- se par la reconquête de marges de manœuvre budgétaires. Ne nous trompons pas de diagnostic. Notre pays continue de créer des riches- ses. Nous sommes, nous politiques, chaque jour les témoins émerveillés de ce que la France recèle de cœur, d’ardeur, d’invention, de génie parfois et de l’admirable capacité de rebond de ses habitants. C’est pourquoi nous n’avons pas le droit de décourager tant de talent et d’alourdir, si peu que ce soit, le fardeau que nos enfants devront porter.

Le paradoxe de la situation actuelle, cette crise des finances publiques dans une économie riche, donne évidemment le sentiment d’un terrible gâchis. Mais c’est aussi la preuve qu’il reste un espoir, qu’il y a une chance à saisir.

Il faut d’abord soutenir la croissance dès cette année et la doper dans les années à venir. Le gouvernement fonde sa stratégie sur un objectif ambitieux de baisse de l’impôt sur le revenu : une première réduction de 5 % sera appliquée dès cette année à tous les contribuables. Il s’agit non seulement d’honorer l’engagement pris par le président de la République, mais aussi d’adresser un signal fort de confiance aux Français, à leur capa- cité de travail et d’initiative, à leur sens de l’effort et de la responsabilité. Il s’agit enfin de rompre radicalement avec la pratique usuelle qui consiste à augmenter les impôts, et avec la philosophie qui l’inspire, qui feint de croire qu’il n’y a pas de limite économique ni psychologique aux prélèvements assis sur le travail. La baisse des impôts et des charges signifie que l’Etat entend prendre, enfin, toute sa part au tra- vail d’assainissement nécessaire.

Au-delà de la recherche de la meilleure trajectoire conjoncturelle pour notre économie, il y a tous les chantiers structurels qu’il faut ouvrir pour conforter durablement notre croissance. Parmi les priorités citées par le premier ministre dans sa déclaration de politique générale, au moins trois méritent chacune notre mobilisation collective.

Rechercher une croissance plus riche en emplois d’abord. C’est la condition d’un retour durable à l’équilibre de nos comptes sociaux mais c’est, surtout, le seul moyen de rendre au travail, élément déterminant pour l’autonomie et la dignité de chaque personne, toute sa valeur sociale.

Ensuite, maintenir, ou plutôt reconquérir, nos acquis sociaux car les beaux principes de la solidarité entre les générations et de l’égalité devant l’accès aux soins et au progrès médical ne seront plus qu’un lointain souvenir pour nos enfants si rien de solide n’est fait au cours des dix prochaines années.

Dernier effort de longue haleine, il faudra redéployer les dépenses de l’Etat en se posant en permanence la question de leur utilité relative. Il ne suffit pas de dire que l’impôt permet de financer la solidarité et les services publics pour s’exonérer d’une réflexion sur le niveau optimal de la dépense publique et sur son allocation.

En dix ans, la rigidité de la dépen- se publique (mesurée par le poids de la dette et des charges de per- sonnel) s’est accrue de plus de 7 points pour atteindre 58 % du budget de l’Etat : il faut absolu- ment inverser cette tendance si nous voulons que nos enfants conservent leur droit à la politique, c’est-à-dire le droit de choisir leur destin. Nous aurons au cours des prochaines années des leviers importants : la nouvelle étape de la décentralisation servira d’aiguillon à la modernisation de l’Etat et de cadre expérimental à l’amélioration du service public ; la mise en œuvre de la nouvelle constitution budgétaire votée l’an dernier à l’initiative du Parlement, qui insufflera une véritable logique de performance au sein de l’administration, permettra de faire évoluer les métiers et d’optimiser l’emploi des moyens.

Libération des énergies, confian- ce dans les forces vives de notre pays, constance et solidarité dans l’effort, voilà autant de principes qui guideront notre action. La méthode choisie appellera l’adhé- sion des Français. La mise en œuvre de la réforme budgétaire contribuera à cette recherche d’une autre pratique du pouvoir. Elle permettra de rompre avec le travers qui veut que la seule obsession d’un ministre soit d’augmenter ses crédits et celle d’un gestionnaire public de les avoir dépensés en fin d’année.

Il s’agit de sortir de ce que j’ap- pellerais un âge prépolitique, où la seule controverse qui vaille a trait aux intentions affichées, où l’on feint de croire qu’il suffit de voter une loi pour modeler la réalité sur ses désirs. Il y a là la persistance d’une sorte de pensée magique où la pureté du désir dispense de tout débat sur les objectifs intermédiaires, les moyens mis en œuvre, le résultat de l’action à l’épreuve des faits. L’enjeu est de mettre à dispo- sition de tous les citoyens, et d’abord de leurs représentants, des comptes fiables, sincères, lisibles, qui puissent enrichir le débat public, fonder des arbitrages com- pris et rendre, ce faisant, son tonus à notre démocratie.

Je suis déterminé à travailler avec ardeur à ce vaste projet. Je suis persuadé que les Français comprendront que c’est un des moyens les plus sûrs de les réconcilier avec la politique, de leur redonner le goût de l’action collective et de leur rendre le pouvoir budgétaire, premier attribut du peuple souverain.

 

Article publié dans Le Monde, le 11.07. 2002.