Le programme de stabilité est le seul document qui rassemble chaque année, au mois d’avril, la stratégie et la trajectoire des finances publiques de chaque Pays de l’Union européenne. La France devra envoyer cette information à Bruxelles, le 15 avril prochain.

Aucun media n’a pensé à demander aux candidats à la présidentielle de remplir ce document, s’ils étaient Président … sauf le journal l’Opinion qu’il faut féliciter et remercier pour sa lucidité et son exigence démocratiques.

Mieux, le journal a imposé aux 3 principaux candidats d’accomplir cet exercice, non pas en points de PIB comme c’est la tradition, mais en euros ! C’est-à-dire dans la monnaie utilisée chaque jour par les Français. C’est la seule manière de démasquer le mensonge, car l’incohérence saute immédiatement aux yeux.

Je partage entièrement les analyses faites par Raphael Legendre, le journaliste en charge de l’enquête. Je le félicite au passage pour son opiniâtreté, car obtenir ce genre d’aveu d’un candidat est aussi difficile que faire chanter un sourd-muet.

Les 3 candidats ayant répondu sont, par ordre alphabétique François Fillon, Marine Le Pen et Emmanuel Macron. Autant dire tout de suite que Marine Le Pen n’a pas sérieusement répondu, ce qui révèle le caractère totalement improvisé de son programme présidentiel et son inapplicabilité. Il ne s’agit pas d’un procès d’intention à son endroit, mais d’un simple constat. Certains candidats n’hésitent pas, en effet, à improviser et promettre aux Français des actions qu’ils savent ne pas pouvoir tenir, ce qui relève du mensonge, de l’irresponsabilité ou de l’imposture pure et simple.

Pour avoir été un praticien quotidien de la matière, je prolongerai l’analyse de Raphaël de la manière suivante :

• S’agissant de la dette, aucun candidat ne fait de sa maîtrise la priorité. Marine Le Pen l’explose, François Fillon et Emmanuel Macron se résignent à la voir s’accroître de 200 milliards d’euros en 5 ans. Au diable l’avenir de nos enfants et petits-enfants pourvu qu’on garde l’ivresse !

• S’agissant des prévisions de croissance, sans parler de Marine Le Pen, fâchée définitivement avec les chiffres, François Fillon et Emmanuel Macron sont plus raisonnables que ne l’ont généralement été les précédents candidats aux présidentielles. Ce qui est un bon point. À mes yeux, elles restent optimistes, mais non frappées d’incohérence.

• S’agissant des dépenses, François Fillon est nettement plus vertueux qu’Emmanuel Macron. Ce dernier devrait pourtant méditer les erreurs commises par François Hollande qui avait tablé en 2012 sur des prévisions de dépenses qui ne se sont, heureusement, pas réalisées, car non finançables. Pour tout dire, Emmanuel Macron s’engage exactement dans la même impasse. Sa prévision de dépense n’est pas finançable. Non seulement, il ne réduit rien, mais il dépense plus ! Quant à François Fillon, il s’oblige à des efforts qui sont parfois qualifiés d’excessifs, alors qu’ils sont le minimum indispensable, sauf à faire perdre à la France toute crédibilité.

• S’agissant de la méthode, le mythe destructeur du « tendanciel » domine la pensée unique. Ce raisonnement économiquement compréhensible est politiquement facteur de lâcheté, de résignation, de fatalisme, de l’idée mécaniste et mortifère que des administrations publiques génèrent mécaniquement et inévitablement un accroissement linéaire de dépenses. C’est-à-dire l’exact contraire de la mission du politique, qui est d’autoriser, d’interdire ou d’ordonner, et surtout de ne pas subir. C’est cette méthode qui alimente les raisonnements en volume (euros constants) au lieu des raisonnements en valeur (euros courants) et qui permet d’afficher des baisses d’impôts ou des réductions de dépenses quand elles augmentent ! Aucun candidat ne résiste à cette tentation. C’est pourquoi, je continuerai à me battre, jusqu’à ma mort, pour la stabilisation des dépenses en valeur, pendant tout un quinquennat. Parce que j’affirme que c’est possible ! Que cela représente un écart de 125 milliards d’euros sur 5 ans par rapport au fameux tendanciel. Emmanuel Macron, en bon technocrate, absorbe cette dépense sans hésitation. François Fillon tente de la conjurer, mais n’en résorbe que 65 milliards sur 125. Ce qui constitue cependant une lucidité méritoire, dans cet océan d’indifférence et de gaspillage organisé.

• S’agissant des recettes, repère classique de tous les mensonges, les candidats Fillon et Macron sont optimistes tous les deux. François Fillon l’est raisonnablement, même s’il envisage environ 50 milliards de recettes supplémentaires par rapport à ce que j’estime possible, à la fin du quinquennat. Emmanuel Macron n’hésite pas à en prévoir 120 de plus. Ce qui relève une nouvelle fois de l’incantation. À noter que les deux candidats promettent en même temps, sans rire, la baisse des impôts ! Pour mémoire, François Hollande avait prévu 116 milliards de recettes de plus que ce qu’il a pu encaisser. Emmanuel Macron est dans sa totale continuité.

• S’agissant du déficit, chacun aura compris qu’étant la différence entre les dépenses et les recettes, il n’a guère de sens lorsque les candidats sont insincères tant en dépenses qu’en recettes. François Fillon s’oblige à effacer ce déficit à la fin du quinquennat. Emmanuel Macron le situe à 25 milliards. C’est le montant que je pense atteignable. Mais aucunement par la méthode d’Emmanuel Macron qui continue de dépenser et pense pouvoir effacer ses facilités par des recettes impossibles.

Au final, et sans aucun parti pris d’opinion politique, le plus sérieux des deux est à l’évidence François Fillon. Dans ce billet, je ne traite pas volontairement des mesures qui permettent (ou pas) de tenir la trajectoire, car c’est un autre sujet. La vraie question est d’abord de savoir, dans la monnaie courante, ce que les candidats veulent faire du fruit du travail des Français, en dépenses et en recettes. Dans les deux domaines, François Fillon est le plus raisonnable. Et de loin ! L’est-il assez ? Selon moi, non. Mais, je reconnais que l’immense majorité des Français pensent qu’il l’est trop. Sans bien mesurer que, ce faisant, ils se comportent comme s’ils avaient le droit de faire les poches de leurs enfants pour s’offrir des prestations dont ils n’ont pas les moyens.

Je pense que l’article du journal l’Opinion devrait faire l’objet d’un débat intégralement consacré à son contenu, afin que les candidats nous avouent soit leur méconnaissance du sujet, soit leur préférence pour le silence ou le mensonge. La démocratie y gagnerait !

À relire : Présidentielles : vite de la transparence pour garantir la sincérité !