Le journal Ouest-France nous révèle que les députés se seraient aujourd’hui écharpés autour du programme des stabilité. Il est bien temps ! Depuis mars, sous l’intitulé « le programme de stabilité pour TOUS » nous n’avons cessé d’inviter les candidats à la Présidence de la République de nous présenter chacun ou chacune le leur, afin de pouvoir les comparer. D’autant que ce document aurait dû être présenté dès avril dernier. Aucun candidat ni parti ne l’a fait ! Non pas par oubli. Mais par couardise ! De peur de révéler l’impossible équation dans laquelle se trouvent nos finances publiques. Et devoir annoncer les efforts inévitables à produire. Si le Gouvernement est critiquable de ne pas avoir été transparent au moment des élections présidentielles et législatives, tous les partis et groupes parlementaires le sont également ! Et les cris d’orfraies des oppositions ne sont pas crédibles pour qui connait un peu la matière.

Tout d’abord cet exercice est salutaire car il oblige le corps politique à dévoiler, pour les cinq ans à venir, sa stratégie financière, en recettes, c’est-à-dire en impôts, en dépenses, en solde, c’est-à-dire en déficit, et en dette. Le tout dans un contexte incertain qui est celui de la croissance et de l’inflation. Il n’y a donc pas lieu d’accuser Bruxelles de quoi que ce soit. Ce programme est un élément essentiel de la crédibilité de notre monnaie et de notre stabilité économique et financière.

Outre que cet exercice est salutaire, il était parfaitement publiable dès avril, comme chaque année depuis 1999. Nous nous y étions contraints et les hypothèses que nous avions formulées alors se confirment en tendanciel. Découvrir aujourd’hui qu’il nous oblige à maitriser les dépenses, maintenir un haut niveau de fiscalité pour contenir le déficit et éviter l’explosion de la dette, relève soit d’une incompétence invraisemblable soit d’une mauvaise foi désespérante.

La copie livrée par le Gouvernement poursuit la très mauvaise habitude de présenter le document en ratios de PIB et non en milliards d’euros. Cette exigence de transparence est pourtant indispensable si l’on veut vraiment comprendre cette programmation. Certes les chiffres évolueront chaque année, en fonction de la croissance et de l’inflation, mais les montants permettraient des comparaisons, impossibles selon la présentation actuelle. J’imagine qu’aucun groupe parlementaire ne l’a fait, de sorte que les crieries sonnent dans le vide sidéral de chiffres incompréhensibles.

S’agissant donc des trajectoires du Gouvernement, selon notre analyse, les prévisions de croissance sont optimistes, notamment pour 2023 mais proches d’un consensus des économistes sur le reste de la période. A dire vrai, personne n’en sait rien, tellement la situation internationale est aléatoire.

S’agissant des recettes, c’est-à-dire des impôts, leur diminution sur la période nous semble peu réaliste, sauf à espérer une élasticité record par rapport à la croissance. Un assainissement préalable du déficit pour faire reculer la dette serait probablement une meilleure stratégie pour le long terme.

S’agissant des dépenses, la diminution annoncée nous semble totalement irréaliste. Même si nous pouvons la souhaiter ! Un tel freinage est impossible à comprendre sans le documenter. Là encore, la conversion en euros serait totalement indispensable pour vérifier l’ampleur de l’effort espéré. L’annonce du Gouvernement exprimée en volume est une esquive classique qui nuit à la mobilisation des acteurs publics privés de toute boussole sur leurs moyens. Les trajectoires par sous-secteurs des administrations publiques sont nécessaires pour associer loyalement les collectivités territoriales.

S’agissant du déficit, lequel dépend de l’évolution des deux paramètres précédents, sa trajectoire est probablement la seule possible, encore faudra-t-il la respecter ! Sur ce point la France n’aura fait aucun progrès en dix ans.

S’agissant de la dette, conséquence du déficit, son évolution va largement dépendre des taux d’intérêts. En une décennie, elle se sera accrue d’au moins 700 milliards d’euros. Tout doit être fait pour éviter l’effet boule de neige, comme en a prévenu la Cour des Comptes. A ce stade, il n’est pas encore conjuré.

On pourrait faire plus long et encore plus ennuyeux. Simplement, il serait démocratiquement utile que les critiques bruyantes que l’on entend se transforment en propositions et que chaque groupe parlementaire dépose son programme de stabilité rêvé. Ainsi, nous pourrions apprécié la sincérité et le réalisme de chacun.

Pour notre part, nous vous rappelons les liens qui vous permettront de mesurer que lorsque l’on croit aux vertus de la transparence, il est possible de la respecter, nous nous y étions appliqué en mars dernier.

Lire : https://www.alain-lambert.org/2022/03/le-programme-de-stabilite-pour-tous/